Maon : un coin de solitude paisible au cœur du désert de Judée

Qui n’a jamais entendu parler de ce coin de Judée, mentionné dans les Prophètes et les Chroniques? Situé entre Jérusalem et Beer Sheva, à 20 minutes de la Mer Morte, à la frontière nord du Néguev, ce moshav créé il y a 18 ans se situe à 1 kilomètre de la cité antique de Maon. De la conquête de la région par Josué à nos jours, en passant par le roi David, voici l’étonnante renaissance d’un lieu méconnu et pourtant intéressant de l’histoire biblique d’hier et d’Israel d’aujourd’hui.

Pour ceux qui ne connaissent pas Maon, la présence juive dans la région commence à l’époque de la conquête du pays par Yéoshua Bin Noun. Sis dans la partie sud des monts de Judée, région où l’histoire juive fut riche, Maon est cité pour la première fois dans le livre de Josué. A cette époque, Maon appartenait au 7ème district de Judée. (Josh. 15:55). Au temps des Juges, la tribu des Maonites oppressa Israel, aidé des Amalekites (Chron. II 26:7). Cette tribu serait identifiée aux Méunim dont les tentes furent détruites par les Siméonites et qui furent plus tard défaits par le roi Uzziah régnant en Judée. (Chron. I 4:41).
Au temps du Prophète Samuel, c’est dans ce désert du même nom que David se cacha dans la grotte lorsqu’il fut poursuivi par Shaul. (Sam I 23:25). C’est également dans cette cité de Judée, que demeura Nabal (« noble«  en araméen) descendant de Caleb, gros propriétaire de bétail . A la mort de ce dernier, David épousa sa femme Avigai (Sam I 25).
Après la destruction du 2e Temple et la révolte des Maccabim lorsque les Juifs étaient interdits à Jérusalem, ils s’installèrent à nouveau dans cette région considérée comme une des plus importantes.
Dans le Talmud, cette cité est appelée Maon de Judée, identifiée avec Tell Main au sud-est du village arabe de Yatta.
A l’époque moderne, après la guerre des Six Jours, la région de Hébron est repassée sous contrôle israélien et depuis une vingtaine d’années, le repeuplement au sud du Mont Hebron a repris.

 

Un infime point sur la carte
Bien que figurant à peine sur la carte d’Israel, le moshav actuel se trouve à 1 kilomètre de la cité antique de Maon dont il reste les vestiges d’une ancienne synagogue comportant un sol en mosaïque. Aujourd’hui, Maon fait partie d’un ensemble de 15 implantations au sud du Mont Hebron.
Sa situation géographique  dote cet endroit d’un climat sec désertique (bon pour les asthmatiques) : froid en hiver, chaud en été mais pas étouffant grâce à une petite brise. La vie proche de la nature s’y déroule au rythme des saisons.

Le moshav Maon fut créé légalement en 1984, sous le gouvernement Shamir lorsque Sharon était ministre de l’environnement, donc avec l’accord du gouvernement et financé par l’Agence Juive sur un terrain administré par le Minhal Karkaé Israel (organisme qui gère les terrains). A ses débuts, il fut essentiellement habité par le Nahal (jeunes pionniers combattants), puis,  petit à petit, par une huitaine de familles.
En 1990, sous l’impulsion de l’immigration russe, une deuxième tranche d’habitations fut construite. Mais à l’heure actuelle aucune famille de l’ex-URSS n’y vit.
Une troisième tranche de construction pour une quinzaine de maisons va bientôt démarrer.

Aujourd’hui le moshav compte une cinquantaine de familles, majoritairement des jeunes couples israéliens. On compte cependant 4 familles françaises, quelques anglo-saxons et argentins et deux suisses. Le dénominateur commun de tous ces foyers est le partage d’un idéal national et religieux. La moyenne des enfants par famille s’élève à 6. Ici, chacun a son histoire personnelle, ses raisons expliquant son coup de foudre pour l’endroit, pour les gens, pour la façon de vivre.
L’accent est mis sur les valeurs essentielles et fondamentales : les enfants, l’éducation, une vie saine, la terre, le spirituel, la Torah. Le message est simple : l’amour d’Israel et des Juifs, l’entraide et la transmission des valeurs.

Une réponse originale et moderne à la crise des valeurs kibboutzniques.
L’organisation de Maon repose sur une double structure à  vocation religieuse: d’un côté le moshav, coopérative agricole qui regroupe 12 familles et de l’autre, l’implantation à caractère communautaire qui compte une trentaine de foyers. Les adultes ne travaillant pas dans le secteur agricole sont pour la plupart enseignants. Mais quelques initiatives privées sont également bienvenues. Ainsi Avraham Aouizerat, un français de Nice, a créé il y a 6 ans sa mini entreprise de restauration qui fournit les commandes à toute la région alentour.
Le moshav s’autogère et possède différentes infrastructures : un dispensaire, une Tipat halav (relais bébé), une crèche et un jardin d’enfants, une synagogue, une salle des fêtes. Pour le cycle primaire et le secondaire, les enfants sont envoyés à l’école régionale de Soussia. Pour les jeunes, il existe une section locale du Bné Akiva.  Quant aux soins médicaux, 3 ou 4 docteurs itinérants se rendent à Maon 3 à 4 jours par semaine.

 

A Maon, tout le monde s’implique dans la vie communautaire. Ce mode de vie semble apporter une nouvelle réponse à la crise que traverse le modèle du kibboutz. En effet, chacun de ses acteurs représente une sorte de pionnier moderne du rêve sioniste se concrétisant  par leur rapport à la terre. Mais Maon ne se considère pas comme une implantation politique militante.

Le moshav possède un centre d’études  juives appelé « Mahon Réchit«  fréquenté par une trentaine-quarantaine de jeunes filles venues de tout le pays après le service national, pour suivre un cycle d’un an en vue d’approfondir leur connaissance en Torah.
L’économie principale du moshav repose sur 6 poulaillers totalisant 150.000 poules, une étable de 450 vaches laitières fournissant 3 millions de litres de lait par an (en commun avec Karmel), des chèvres, des poules pondeuses pour les œufs. Dans le domaine de l’agriculture, Maon se spécialise dans la culture des nectarines et des cerises.
La coopérative qui s’étend sur 30.000 dounam fonctionne en association avec Offakim et Bikat Arad pour le blé, les pommes de terre, le mais, les oignons, les cacahouètes, la vigne, les kakis (pour l’exportation), les pommes et les pêches.

Une visée internationale

Mais le projet le plus ambitieux reste celui de la création d’une cave à vin en coopération avec les autres implantations alentour. En effet, depuis que les Israéliens voyagent à l’étranger et s’ouvrent sur le monde, poussés par l’immigration française, russe et argentine, ils sont devenus de véritables amateurs de bons vins, prêts à dépenser entre 90 et 150 shékels pour une bonne bouteille comme le démontrent les dernières études nationales. Selon cette enquête,  il existerait dans le pays de 10 à 20.000 consommateurs potentiels.

L’œnologue en chef, Bruno Darmon, un autre Français de Nice monté il y a 15 ans, est fier d’expliquer que cette jeune cave de 2 ans : «  se spécialise dans le vin rouge sec haut de gamme uniquement (merlot, cabernet sauvignon, shiraz et petit sira). Le vin décante de 18 à 24 mois en fûts de chêne français. Nous travaillons avec une perspective à 5 ans. « 
20 à 30% de la production est destinée à l’exportation. Le reste, à la vente en magasins spécialisés, par correspondance, sur commande et par  internet. Bruno estime : « la 1ère cuvée sortira entre Hanouka 2002 et Pourim 2003.« 
L’objectif est de produire jusqu’à 1 million de bouteilles par an et de construire un centre d’accueil et de dégustation ainsi qu’un magasin de vente sur place.  Des  produits régionaux (huile, fromage) y seraient également proposés.

Les perspective d’avenir et de développement de Maon se focalisent sur la volonté d’agrandir le moshav et de l’élargir. Ses habitants lancent un appel aux nouveaux immigrants et à toutes les personnes de bonnes volonté attirées par une vie simple et saine fondée sur les valeurs de la communauté, de l’entraide et de la vie juive; et comme me l’a confié Avraham, « si ce n’est pas pour vous, faites-le pour et avec vos enfants« .  Pour sa part, l’Agence Juive finance les projets des implantations. De plus, le Conseil Régional de Hebron est prêt à aider pour l’intégration de nouveaux français.
Les prix sont très attractifs pour acquérir une demeure : de 50.000 à 120.000 shékels (10.800 euros à 26.000 euros) pour une maison de 75 m2 avec possibilité de doublement de surface en hauteur, plus 1 dounam (10 ares) de terrain.

 

Deux ans d’intifada n’ont pas entamé le moral et la foi des habitants de Maon, gardiens parmi d’autres de la ligne verte. L’impression de calme et de sérénité qui se dégage du paysage de Maon et du désert de Judée laisse songeur. Et si la vérité était justement là ? Cela nous interpelle profondément et nous fait nous poser les bonnes questions. On ne peut rester insensible à cet environnement qu’on redécouvre lors d’une visite dans la région. Le rêve du Juif pétri de Torah retrouvant et cultivant sa terre, défendant son idéal et ses valeurs se fait ici réalité. Alors, l’an prochain à Maon ?…