Capharnaüm la cité juive oubliée

Ce nom de ville antique est devenu synonyme de bric à brac alors qu’elle fait partie de l’histoire de la région. Située sur la mer de Galilée, près de Tibériade, il ne reste aujourd’hui de l’ancienne ville de Capharnaüm que quelques ruines.Surtout connue comme lieu de pèlerinage chrétien, cette localité présente cependant des témoignages d’une vie juive.Les fouilles entreprises à partir de 1905 dans le village de Tell Hum, permirent d’y localiser une synagogue construite entre le IIe et le IVe siècle après J.-C. Des moines franciscains ont restauré une partie de la synagogue et construit un monastère qui est toujours en service. En 1981, des archéologues ont découvert les restes d’une synagogue datant du Ier siècle

Le site de l’ancien village de pêcheurs de Kfar Nahum (en hébreu : le village de Nahum ‘’le consolé’’, un des douze petits prophètes) est situé sur la rive nord-ouest de la mer de Galilée, à -212 mètres au-dessous du niveau de la mer, et à 15 kilomètres au nord de Tibériade. Des témoignages archéologiques indiquent que la localité fut créée au début de la dynastie asmonéenne. Les pièces de monnaies les plus anciennes retrouvées sur le site datent  du IIe siècle avant l’ère chrétienne.Une ville marchande
Habituée au passage des étrangers, la ville de Capharnaüm était située près de la frontière de la province de Galilée, à l’embranchement de la route commerciale principale Via Maris qui la reliait à Damas. Elle possédait une douane à laquelle on payait des taxes. On y arrivait dans le but de vendre des marchandises destinées à la Syrie, à deux jours de chameaux seulement.

Au début de l’ère vulgaire, Capharnaüm comprenait également une petite garnison romaine commandée par un centurion. La ville conserva son importance grâce à sa situation de ville frontière : à 5 kilomètres de là, l’embouchure du Jourdain séparait la tétrarchie d’Hérode Antipas de celle de son frère Philippe. A cet emplacement privilégié s’ajoutaient ses activités vivrières et commerciales : agriculture, verreries, travail du basalte et surtout ses pêcheries dont vivait la population. Flavius Josèphe mentionne même l’existence d’un hôpital. Des fouilles archéologiques ont mis à jour le village de l’époque comprenant des maisons de simples gens, des outils de la vie quotidienne ainsi que les ruines d’une synagogue.

Plus tard, Capharnaüm ne participa pas aux deux grandes révoltes juives contre Rome. Les écrits juifs de l’époque identifient Kfar Nahum à l’une des quatre localités comptant parmi ses habitants des «hérétiques» soupçonnés de faire partie d’une des petites sectes judéo-chrétiennes exclues, à la fin du Ier siècle, de la participation aux offices de la synagogue.

Le village, gravement endommagé par le tremblement de terre de 746, fut reconstruit un peu plus loin au nord-est, mais la suite de son histoire, son déclin et finalement son abandon au cours du XIe siècle, sont mal connus. A l’époque des Croisés, au XIIIe siècle, un voyageur n’y trouva que de pauvres cabanes de pêcheurs.

Le site fut «redécouvert» en 1838 par un Américain spécialiste de géographie biblique. En 1866, un explorateur et cartographe britannique identifia pour la première fois les ruines de la grande synagogue galiléenne du IIIème ou Vème siècle construite par Hadrien sur la synagogue plus ancienne Les principales fouilles franciscaines furent menées de 1968 à 1984.

Aujourd’hui, il existe également des restes d’une église byzantine octogonale qui recouvre une maison du Ier siècle identifiée comme étant la maison de Pierre l’Apôtre.

La synagogue
Construite en roche calcaire blanche importée sur des fondations de basalte, sa façade, orientée vers le sud, compte trois entrées. La porte centrale est surmontée d’un arc de plein cintre. Dans l’ensemble, la décoration architecturale de l’édifice de Capharnaüm est assez recherchée, avec des chapiteaux corinthiens et des reliefs en pierre finement sculptés (feuilles de vigne et de figuier, motifs géométriques, aigles, etc.). Les fenêtres de la partie supérieure de la façade sont décorées de tympans dits syriens. La sculpture en relief d’un chariot représente peut-être l’Arche d’Alliance portative. L’inscription du IVe siècle en araméen figurant sur l’une des colonnes brisées mentionne le nom du donateur «Halphou, fils de Zebida».
La synagogue de Capharnaüm, telle qu’elle apparaissait en 381, était en pierre taillée et comprenait un accès à l’édifice s’effectuant par une volée de marches.Sa splendeur passée, partiellement reconstruite en 1926, a alimenté la controverse concernant la date véritable de sa construction et continue à faire l’objet d’une polémique.

Plusieurs théories ont été avancées. Les témoignages en faveur du IVe siècle se fondent en partie sur les monnaies et poteries découvertes sous le sol. Les partisans d’une date antérieure – le IIe siècle – soutiennent que celles-ci ont pu être abandonnées au cours de réparations et reconstructions ultérieures, probablement après le tremblement de terre de l’année 363. Il se peut aussi que la synagogue ait été construite durant le court règne (361-363) de l’empereur Julien «l’Apostat», qui correspond également à la date du tremblement de terre.

Elle semble en tout cas avoir été construite sur le site d’un édifice plus ancien datant du Ier siècle. Quoi qu’il en soit, comme souvent tout au long de l’histoire juive, la synagogue semble finalement avoir été détruites au début du VIIe siècle (un peu avant la conquête arabe de 636), durant le bref rétablissement de la domination byzantine.

Mais que ces querelles de spécialistes ne nous fassent pas oublier notre présence dans cette antique cité. Il est toujours temps d’aller s’y promener pour la redécouvrir et admirer ses vestiges.