Les produits laitiers – amis pour la vie ?

Laitages

Les laitages sont-ils réellement indispensables à la bonne santé ? Protègent-ils vraiment les os ? Selon les dernières études épidémiologiques, les recommandations actuelles semblent de plus en plus contestées par les chercheurs, à la suite de résultats remettant en cause leur efficacité et leur innocuité à long terme. Ces démentis ont incité à une mise au point avec l’aide de deux spécialistes parisiens : le Docteur Madeleine Epstein (allergologue) et Rafael Gruman (nutritionniste-diététicien).

La polémique à propos de la consommation de produits laitiers concerne-t-elle les pays riches/développés ou le monde entier ?

Rafael Gruman : La déminéralisation est en effet un problème de pays riche.

Sont-ils ‘’amis ou ennemis pour la vie’’ comme le proclame la publicité ?

R. G. : Il s’agit d’une fausse controverse.

Dr. Madeleine Epstein : Ni l’un, ni l’autre. Cela dépend des personnes. En tout cas, ils ne sont pas mauvais pour la santé.

Les produits laitiers ne se révèlent en conséquence pas toxiques pour l’organisme ?

R. G. : Non. La polémique autour de la décalcification fait écho à la parution du livre du journaliste Thierry Souccar. Mais les études scientifiques ne la prouvent pas.

Il n’est donc pas conseillé d’arrêter leur consommation ?

R. G. : Non car ils contiennent des protéines, du calcium et peu de calories, ce qui représente un bon équilibre nutritionnel.

Faut-il quand-même repenser nos habitudes alimentaires ?

R. G. : Non. Les produits laitiers restent bons pour la santé et bons à consommer.

Quelle est selon vous la bonne dose quotidienne à absorber ?

R. G. : Trois produits laitiers par jours.

Tous les laits (vache, chèvre, ânesse, chamelle) se valent-ils ?

Dr. Epstein : Oui. En cas d’allergie, l’organisme peut réagir à une protéine animale allergène comme l’albumine, quel que soit le lait.

R. G. : Selon moi, celui de brebis s’avère moins allergène.

Que penser des laits végétaux (riz, soja, coco, amande) ?

Dr. Epstein : C’est une appellation impropre. Il s’agit en fait d’eau végétale (de noix, de céréales, de graines). Elle peut provoquer des allergies croisées ou associées.

R. G. : Ils constituent un bon remplacement pour les personnes allergiques au lactose. On peut en consommer régulièrement mais la teneur en calcium doit être contrôlée.

Qu’en est-il des laits artificiels en poudre ?

R. G. : Il s’agit de lait classique déshydraté. Par contre, le lait pour bébé est spécifiquement étudié afin de faciliter la digestion du nourrisson et d’éviter toute intolérance.

Comment consommer du calcium, riboflavine, niacine, thiamine, acide pantothénique, folacine, autrement ?

Dr. Epstein : En mangeant fruits, légumes frais et secs, en buvant des eaux minéralisées. De toute façon, il est tout à fait possible de survivre sans laitage. Il faut sortir de sa dictature mais pas le supprimer.

Existe-t-il encore d’autres aliments contenant les mêmes éléments nutritifs ?

R. G. : Il est difficile d’en trouver d’aussi riches en calcium. Ils peuvent être substitués par du lait de soja enrichi en sels de phosphates. Pour les vitamines A et les protéines, on les trouve dans les œufs. Si l’apport en calcium à stoker de façon permanente dans le corps est correctement remplacé par d’autres oligo-éléments, cela ne pose pas de souci de ne pas consommer d’aliments lactés.

Adultes et enfants sont-ils égaux à l’ingestion de produits laitiers ?

R. G. : Pour leur constitution, les enfants ont de plus grands besoins en calcium que les adultes pour leur maintien. Cependant, les petits ne doivent pas être exposés trop tôt aux aliments lactés trop protéinés par rapport à leur capacité rénale.

Dr. Epstein : Dans l’alimentation des adultes, les produits laitiers ne sont pas indispensables. La preuve : les populations d’Asie ou d’Afrique qui n’en consomment pas ne présentent pas de déficit en calcium.

Pensez-vous qu’il existe un lobbying du lait qui pousse à une consommation inappropriée ?

R. G. : Il existe assurément un lobbying mais que représente la véritable pression des producteurs/industriels ? Pousser à la consommation de lait n’engendre pas de risque pour la santé, même chez les adultes.

L’ingestion de laitage peut-elle cependant provoquer des effets négatifs graves ou mineurs ?

R. G. : Non, en dehors des intolérances ou des allergies. On peut en consommer tous les jours.

Dr. Epstein : Les intolérances, au niveau digestif, ne présentent pas de danger. Par contre, les allergies sévères peuvent constituer un risque vital.

Pourquoi certaines personnes développent-elles des allergies aux produits laitiers ?

Dr. Epstein : Statistiquement, plus vous consommez de laitages, plus vous augmentez les risques de sensibilisation. Comme toute autre allergie, il s’agit en l’occurrence, d’une réactivité à une protéine, caractérisée par de l’urticaire, des difficultés respiratoires ou digestives. Mais pas d’une allergie spécifique aux produits laitiers.

Le phénomène est-il récent ?

Dr. Epstein : Non, il a toujours existé. Il révèle plutôt un changement de mode de vie qui a entrainé des réactions spectaculaires, comme tous effets immunitaires.

Le problème sanitaire vient-il des pesticides et autres polluants ou de la consommation en soi ?

R. G. : De la consommation en soi. Il ne s’agit pas d’un problème biologique.

Remarque-t-on une évolution ?

Dr. Epstein : Le phénomène semble stable. Pour les allergies, il existe désormais un protocole d’accoutumance. Encore récent, il n’est à ce jour pas rentré dans la pratique courante.

Comment prémunir les personnes sensibles des effets indésirables provoqués par la consommation de laitages ?

Dr. Epstein : En les supprimant, tout simplement.

Pour finir, qui pourrait mettre médecins, journalistes et producteurs laitiers d’accord ?

R. G. : Des études sérieuses concernant les conséquences de la consommation laitière sur la santé et ses risques potentiels.

Noémie Grynberg 2012