Le Homeschooling : école de la vie ou désocialisation ?

Home Schooling

Le Homeschooling ou enseignement à domicile est une pratique essentiellement américaine qui fait de plus en plus d’émules de par le monde. Ce phénomène s’explique peut-être par la tendance générale de démocratisation de toutes les institutions au coeur de la société civile. L’enseignement n’est pas épargné. Les parents souhaitent aujourd’hui plus d’implication et de droit de regard sur l’instruction de leurs enfants et plus de souplesse dans le cadre de l’apprentissage. Ils ne désirent plus forcément le déléguer à des instituts officiels. De plus, eu égards aux problèmes de violence qui se développent dangereusement au sein de l’enseignement publique, surtout depuis une dizaine d’années, et devant l’impuissance des pouvoirs publiques à l’endiguer, les parents ont trouvé dans cette approche une solution qui répond à leurs inquiétudes.


Dans les pays développés, à l’heure de l’instruction obligatoire, le homeschooling appelé aussi apprentissage à domicile est une option juridique alternative qui permet aux parents ou tuteurs d’offrir à leurs enfants d’aĝe scolaire une éducation à la maison dans un environnement d’apprentissage informel plutôt que dans le cadre institutionnel d’une école publique ou privée. Les raisons de ce choix peuvent être multiples : un milieu scolaire traditionnel trop pauvre, une recherche plus adéquate aux besoins de développement de l’enfant, un éloignement géographie, une incompatibilité sociale et/ou comportementale au cadre scolaire classique, un désaccord parental concernant le programme ou les méthodes d’enseignement, un trouble de l’apprentissage, etc.

L’enseignement à domicile peut se référer également à l’école par correspondance. Deux méthodes existent. La première, ‘’l’apprentissage naturel’’, renvoie à un type de pédagogie à la demande où les enfants acquièrent des connaissances basées sur leurs intérêts et où leurs parents soutiennent activement activités et expériences propices à cette initiation. Cette formule s’élabore sans recours conséquent aux manuels scolaires. Plutôt que de passer beaucoup de temps à "l’enseignement" traditionnel, la technique ‘’naturelle’’ recherche davantage le lieu, le «moments d’apprentissage» à travers les activités quotidiennes. La seconde, la non scolarisation (à ne pas confondre avec la déscolarisation), décrit une approche dans laquelle les parents n’ont pas d’autorité directe sur l’éducation de l’enfant mais interagissent avec lui d’après son propre intérêt. La non scolarisation n’indique pas que l’enfant n’est pas éduqué mais qu’il n’est pas scolarisée ou instruit dans une école formelle. L’enfant est libre d’explorer et d’apprendre ce qui lui plait. Il apprend à travers les expériences de la vie, encouragé par ses parents. L’apprentissage sans contrainte suit les opportunités qui se présentent dans la vraie vie. Un enfant non scolarisés peut utiliser des textes ou l’enseignement classique mais ils ne sont pas jugés essentiels à l’éducation car dans cette optique, il n’existe pas d’organisme spécifique de la connaissance.

Ces deux méthodes croient que les enfants apprennent par la pratique lors d’activités simples et quotidiennes : ils peuvent apprendre à lire en déchiffrant des étiquettes, s’intéresser à l’agriculture, l’élevage ou la botanique en s’occupant du jardin, à la politique en écoutant les informations, mais aussi à l’histoire, à d’autres cultures, aux mathématiques, à la chimie, etc. Les programmes sont adaptables au contexte de l’enfant. Les manuels permettent au jeune de progresser à son propre rythme.

Les tuteurs tirent aussi souvent parti des possibilités éducatives fournies par les musées, les centres communautaires, les clubs sportifs, les activités extrascolaires, les lieux de cultes, les parcs et autres ressources communautaires.

Aujourd’hui, grâce à l’informatique, ce type d’apprentissage s’est développé. Des ressources en ligne comprennent cours, études, programmes, jeux éducatifs, tests, tutorat et formation professionnelle. L’instruction en ligne donne aux apprenants et aux familles accès à des enseignants et des matériaux spécialisés. Il permet une plus grande flexibilité dans la programmation des cours. Les parents peuvent assister leurs enfants durant ces session de tutorat. Cette méthode s’avère utile pour les élèves handicapés ou limités dans leur déplacement.

Le Homeschooling dans le monde

Cette formule est légale dans de nombreux pays. Ceux où ce mouvement se révèle le plus répandu sont principalement anglo-saxons : Australie, Canada, Nouvelle Zélande, Royaume-Uni et bien sûr États-Unis. Dans ce pays, 850.000 élèves étudient à la maison ce qui représente 2% de l’ensemble des écoliers. Certains Etats américains ont adopté des lois permettant aux familles de profiter des ressources de l’école publique. Ces dernières années, de plus en plus d’enfants issus de l’enseignement à domicile ont été admis dans des académies militaires américaines ou de prestigieuses universités comme celle de Harvard ou de Princeton.

Par contre, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne (sauf en Catalogne), la Chine et le Brésil l’ont complètement interdite.

En Europe, l’Autriche, la République tchèque (depuis 2005), la Finlande, la Hongrie, l’Italie, la Norvège, la Slovénie, la Slovaquie, l’Indonésie et la France ont également octroyé un statut légal à l’enseignement à domicile.

En France, la loi est très précise. L’article L. 131-1-1 définit : « Le droit de l’enfant à l’instruction a pour objet de lui garantir, d’une part, l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d’autre part, l’éducation lui permettant de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et d’exercer sa citoyenneté. » Les contrôles prévus comprennent : une enquête sociale du maire dès la première année et tous les deux ans ; une enquête pédagogique de l’inspecteur d’académie à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction dans la famille et au moins une fois par an. L’inspecteur d’académie contrôle la progression de l’enfant en fonction des choix éducatifs des parents, dans le cadre du programme qu’ils entendent suivre, sans référence au niveau scolaire d’une classe d’un établissement d’enseignement public ou privé sous contrat. Ce contrôle doit tenir compte de l’âge et de l’état de santé de l’enfant et toujours se faire en référence aux contrôles antérieurs, pour avoir une approche objective de la progression réelle de l’élève. C’est pourquoi il doit être individualisé et spécifique à chaque enfant. Mais le décret n° 2009-259 du 5 mars 2009 relatif au contrôle du contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille modifie le code de l’éducation en imposant la maîtrise d’un socle commun de connaissances mais aussi la manière dont doivent être transmises les connaissances. Cette décision a soulevé plusieurs protestations car en plus d’empêcher la multiplicité des choix en matière d’apprentissage, elle impose la mise en place de paliers de progression uniformes incompatibles avec le développement personnel de chaque enfant. Les parents considèrent qu’il est impossible de concilier la liberté pédagogique des familles avec l’application de ce décret. Selon eux, la marge de manœuvre des familles est insuffisante quant à l’éducation de leurs enfants sans une certaine liberté d’enseignement.

En Israël

L’enseignement à domicile a tendance à s’y développer ces dernières années. Il concerne les parents ne travaillant pas (principalement les femmes) ou travaillant de la maison (indépendants pour la plupart) qui peuvent ainsi consacrer du temps à l’éducation de leurs enfants. Ici aussi, ce choix d’enseignement est dicté par certains facteurs : violence à l’école, surcharge des classes, matières enseignées, éloignement, etc. Depuis 2004, la tendance est en constante progression. Selon les estimations, en 2008, 285 familles (plusieurs enfants par foyer) seraient concernées par l’enseignement à domicile. Cependant, le phénomène semble encore extrêmement minoritaire dans le pays.

Internet est au centre de l’enseignement à la maison. Il propose des listes de contact en ligne avec d’autres familles s’adonnant au homeschooling.

Globalement, les familles pratiquant ce type d’apprentissage adoptent un modèle américain de développement personnel adaptable à chaque foyer, quelle que soit la société. Selon une étude de 2003, cette tendance à l’enseignement à domicile résulte d’un développement au sein de l’identité israélienne. Le choix de ce type d’éducation découle d’une démarche de style de vie plus générale en marge de la société : accouchement à la maison, nourriture biologique, automédication, etc. Cette façon de vivre se recentre sur la personne et ses capacités à s’autogérer plutôt que sur des institutions formelles impersonnelles.

En générale, ces personnes vivent selon leurs propres normes et refusent les dictats administratifs entravant toute forme de liberté privée. En fait, les parents israéliens choisissent plutôt le modèle de la «non scolarisation» à celui de l’école formelle. Pour ces éducateurs, le monde et non un cadre fermé est source d’apprentissage continu mais non prédéfini. Ils travaillent sans livre ni emploi du temps précis. Le principe repose surtout sur l’éveil de l’enfant encouragé à poser des questions, à être curieux de tout. L’adulte se met au service de l’enfant et non l’enfant au niveau d’un programme déterminé. L’objectif de cet apprentissage vise la recherche du vrai ‘’moi’’ profond, la spécificité de chaque individu, le libre arbitre ou la responsabilité morale. Il prône un retour à la vie authentique au sein d’une société moderne basée sur la particularité de l’identité personnelle. Il renforce aussi l’identité familiale.

L’enseignement à domicile est entièrement autofinancé. Aucune aide gouvernementale n’est accordée. Les parents ne la réclament d’ailleurs pas. Leur seule revendication est une demande de reconnaissance sociale de leurs besoins, de leur mode de vie au sein du débat publique.

En Israël, l’instruction est obligatoire d’après la loi. Légalement, elle doit être dispensée en établissements formels. Pour pouvoir bénéficier d’une autorisation d’enseignement à la maison, les parents doivent remplir une demande écrite à adresser au Ministère de l’éducation, détaillant le programme des matières. En cas d’acceptation de la demande, ils obtiennent une dispense légale. Mais elle n’est pas systématique et se fait au cas par cas.

En 2002, le ministère de l’Éducation a créé un nouveau comité chargé d’examiner l’éducation à domicile. En 2006, un autre comité consultatif a été convoqué dont les recommandations sont encore appliquées aujourd’hui.

Les inconvénients

Le désavantage de cette méthode vient du fait que les enfants paient le prix des décisions parentales, pas forcément aussi faciles à assumer pour les petits que pour les grands.

Outre l’instruction, un des rôles de l’école est la socialisation des enfants. Or les méthodes d’apprentissage informelles répondent certes aux besoins de ces derniers mais s’accordent parfois mal avec les exigences formelles du système classique au niveau académique. Certains notent une inadéquation avec les standards de qualification et de compréhension universitaires, un manque de socialisation et d’ouverture sur d’autres groupes ethniques ou religieux, une tendance au développement d’un extrémisme social ou religieux, un retrait par rapport au courant dominant de la société, un sous-développement social et une tendance à l’essor de sociétés parallèles.

Dans le cadre du cocon familial, sans confrontation de points de vue adverses, il semble difficile d’encourager une pensée argumentée, critique chez l’enfant. La solitude sociale entraîne aussi plus tard une baisse du sens civique et collectif.


Noémie Grynberg 2009