Expression faciale : le métalangage du visage qui trahit nos émotions

Smiley

  L’expression faciale représente un des aspects du langage corporel non-verbal jouant un rôle essentiel dans les messages humains. Les mimiques seraient donc un moyen de communication volontaire ou non. Aujourd’hui plusieurs théories tentent de définir quelle est sa véritable nature. En tant que nouveau modèle psychologique, l’expression faciale analyse les émotions trahies par les traits du visage. Cette discipline récente encore controversée, trouve cependant des applications concrètes dans des domaines aussi variés que l’éducation, le pénal, le recrutement, les affaires, la psychologie, etc.

L’expression faciale indique au moyen de signes ou signaux, des émotions ressenties comme la joie (sourire), la douleur ou le dégout (grimace), le vague à l’âme ou l’ennui (moue), la crispation (rictus), la peur (bouche sèche), etc.

Elle résulte, du point de vue physiologique, de la déformation des traits permanents principaux du visage provoquée par un sentiment. Ainsi l’essentiel de l’information d’une expression est contenu non pas dans un trait particulier mais dans la combinaison des lignes des yeux, des sourcils et de la bouche. L’expression faciale permet de la sorte d’informer un tiers de nos intentions mais également du comportement qu’on attend de lui. Elle serait « le miroir de l’âme ».

‘’Les expressions faciales jouent un rôle prépondérant dans la coordination de la conversation humaine et ont un impact plus important sur l’auditeur que le contenu textuel du message exprimé. Elles contribuent pour 55% à l’impact global du message exprimé’’ indique le docteur Davoine. Elles se révèlent donc essentielles à la communication interpersonnelle et constituent un important vecteur d’information sociale mais aussi environnementale.

Cependant, une interprétation erronée d’une mimique faciale peut nous faire adopter un comportement mal adapté à la situation. D’où danger pour les non spécialistes.

Chez les scientifiques, l’intérêt pour l’étude des expressions faciales remonte en fait au XIXe siècle. Mais ce n’est réellement qu’à la fin du XXe siècle que de nouvelles recherches approfondissent ce champ.

Le psychologue ayant le plus contribué à l’analyse moderne de l’expression faciale est sans conteste Paul Ekman, ancien professeur de l’Université de San Francisco, répertorié l’an dernier par le magazine Time dans son palmarès des cent personnalités les plus influentes. Dans les années 1970, ce psychologue américain met en évidence les mouvements automatiques, universels et innés des émotions de base (haine, dégoût, peur, joie, tristesse, surprise).  La colère, le mépris, la peine seraient ainsi mondialement reconnaissables. De nature biologie, ces émotions de base paraitraient identiques pour tous, de façon indépendante. Même  chez les non voyants. On parle alors d’innéisme des expressions faciales inscrites de manière génétique. Le rôle de l’imitation dans l’apprentissage de ces expressions ne serait que secondaire, ne servant plus que de renforçateur. Ainsi selon Paul Ekman, les expressions du visage ne seraient pas déterminées par la culture.

Cependant, ces théories de l’universalité des émotions faciales ne font pas l’unanimité du monde scientifique et trouvent des contradicteurs. En 2009, une étude la remet effectivement en question  à l’aide de données opposées qui démontrent le concept de différences culturelles dans le jugement des ressentis. Les distinctions les plus marquées seraient entre culture asiatique (japonaise) et caucasienne (américaine). En effet, les Japonais se révèlent de bons acteurs et savent très bien cacher leurs sentiments.

 Les signaux ne seraient donc pas universels et doivent être interprétés en fonction du contexte. La signification d’un geste dépendrait en fait de la situation, de l’émetteur, du récepteur, de la culture, de la religion.

Sur la base des travaux d’Ekman, depuis une quinzaine d’années, la psychologie expérimentale étudie plus précisément les stimuli déterminants pour toute relation interpersonnelle.  L’approche neuropsychologique est également utilisée pour approfondir les recherches dans ce domaine.

On considère de nos jours que la composante expressive du processus émotionnel participe à la réalisation de deux fonctions adaptatives distinctes : communiquer aux autres son propre état interne et activer ou réguler l’expérience émotionnelle vécue.

Dès avant 6 ans, les enfants apprennent déjà à moduler l’expression faciale spontanée afin d’adapter leurs interactions aux règles de leur milieu social. A cet âge, les modifications expressives ne s’accompagnent pas d’une conscience explicite. Ces variations témoignent toutefois d’une compétence précoce de contrôle de l’expression faciale émotionnelle.

Les domaines d’application

«Les mots ne disent pas tout» rappelle Paul Ekman. Selon lui, la vérité est écrite sur les visages car le corps, lui, ne ment pas. Pour le psychologue américain, les micro-expressions faciales représentent autant de lapsus gestuels.

Ainsi, les travaux d’Ekman trouvent divers camps d’application : médical, judiciaire, pénal, etc.

Par exemple, la reconnaissance précise des émotions faciales est importante en psychiatrie pour comprendre les interactions avec le patient, au-delà des mots.

Pour les nouveau-nés, l’évaluation de la douleur par l’analyse de l’expression du visage (système néonatal de codage facial) donne aussi d’importantes info rmations d’ordre médical.

Les découvertes psychologiques des mimiques faciales sont également utilisées par les polices à travers le monde : Scotland Yard (Grande Bretagne), les services canadiens, le FBI et la CIA (Etats-Unis), etc. Aussi, des centaines d’enquêteurs ont été formés à démêler le vrai du faux: «Plus la personne parle, plus il est facile de dire si elle ment, parce qu’une bonne partie de son cerveau étant occupée à faire des phrases, elle laisse échapper toutes sortes de choses» soutient Ekman. Ou à identifier un danger imminent : «Les visages reflètent des expressions qui sont un signal d’avertissement d’intention dangereuse» précise-t-il encore.

La justice se sert également des mêmes méthodes. Clignement ou mouvement des yeux, froncement du front ou des sourcils, dilatation des pupilles, rougissement ou blêmissement facial, œil gauche ou droit plus grand : tous ces signes perçus et interprétés avec justesse livrent à l’avocat initié une foule d’informations précieuses sur la crédibilité de son interlocuteur devant la Cour ou en négociation. « Toutes ces observations peuvent orienter la négociation ou la plaidoirie de l’avocat » fait valoir Mme Gagnon, juriste canadien. Certains experts révèlent qu’en cas de contradiction entre les mots et les attitudes, ils choisissent de se fier principalement aux comportements qui représentent plus de la moitié du langage non verbal. Cependant, certains critiquent des risques de dérives.

Autre domaine d’application : l’emploi. L’expression faciale a une influence directe sur l’impression que la personne donne d’elle-même à ses interlocuteurs dans le cadre d’une entrevue. Lors d’un entretien d’embauche, le recruteur peut percevoir dans le langage non verbal du candidat des indications sur son caractère, son émotivité, sa franchise. Si ses yeux se promènent un peu partout dans la salle, si son regard est vide ou bien encore si elle fixe le plancher, elle démontre soit du désintérêt, soit un manque de confiance en elle. Le candidat devient alors moins intéressant pour l’employeur potentiel. Pour réussir un entretien d’embauche, il faut regarder son interlocuteur avec intérêt, les yeux clairement ouverts et sans peur de regarder l’autre en face mais sans le fixer constamment. Un contact oculaire est une bonne façon de s’attirer la sympathie du recruteur. Le sourire pas seulement avec la bouche mais avec tout votre visage aussi s’avère contagieux. Il traduit l’aisance, ce que recherche l’employeur. Voir le sourire de quelqu’un se transposer dans ses yeux est une excellente façon de démontrer qu’on est amical et ouvert à la conversation.

Il en est de même dans le monde des affaires, des négociations. Les techniques de langage non verbal permettent de décrypter les intentons réelles ou cachées de la partie adverse. Des indications indispensables aux implications cruciales.

Pour terminer, le monde de l’art, verbal ou visuel, repose aussi en partie sur la reconnaissance des expressions faciales. Le mime, sans parole, est capable de transmettre des émotions par de simples attitudes. Tout comme les personnages de bandes dessinées et dessins animés, également croqués avec des traits immédiatement identifiables, sans avoir besoin du texte ou du son. Leurs faciès caricaturaux forcent leur état d’esprit. Enfin, les comédiens utilisent également les expressions faciales pour raconter les émotions intérieures du rôle qu’ils interprètent.

Ainsi, quel que soit l’événement de la vie, nous sommes suspendus malgré nous ou intentionnellement à la traduction faciale de nos émotions les plus intimes et profondes.


Noémie Grynberg 2010