Le conflit israélo-palestinien vu à travers le prisme québécois

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Comment le conflit que nous vivons au Moyen-Orient se propage-t-il dans le monde et quelles en sont les répercutions ?

Du Canada, pays paisible qui se veut neutre et engagé davantage dans l’humanitaire plutôt que dans la politique internationale, on aurait pu s’attendre à plus de retenue vis-à-vis de cette guerre. Or, curieusement, la province du Québec (et non tout le Canada) glisse insidieusement sur la pente dangereuse d’un ‘’anti-israélisme’’ primaire. Etat des lieux.

Le Canada est un Etat fédéral composé de trois territoires et de dix provinces. Parmi elles, le Québec. De par son histoire, seule province majoritairement francophone, elle présente une particularité: cédée aux Anglais, ennemis héréditaires, par la France lors du par le traité de Paris en 1763, le Québec, après plus de 200 ans d’administration française, passe sous contrôle britannique.

Cependant, les Canadiens francophones obtiennent des Anglais la garantie de conserver la langue française, le droit civil (inspiré du droit français) et la religion catholique. Notons que, l’église joua un rôle très important dans sa mission coloniale et deviendra très influente au niveau du pouvoir local.

Malgré ces concessions, les Canadiens francophones ne renoncent pas à leur velléité d’autonomie face au pouvoir fédéral.

Ce bref rappel historique explique la toile de fond sur laquelle se déroulent les prises de positions québécoises actuelles face au conflit moyen-oriental. Quel rapport ? Aujourd’hui, c’est comme si ces vieilles rivalités coloniales latentes entre francophones indépendantistes et anglophones n’étaient toujours pas réglées et resurgissaient sous de nouveaux atours.

Politique et religion

Comment s’opère cette dérive ? Un certain antisémitisme clérical allié aux aspirations indépendantistes inclinent historiquement les Québécois à se ranger quasi automatiquement aux côtés des Palestiniens.

La première explications est d’ordre politique. Les Palestiniens représentent aux yeux des Québécois séparatistes un peuple opprimé par une puissance ‘’coloniale’’, peuple auquel on refuse le droit à l’accession à l’indépendance et qui vit sous tutelle étrangère. En effet, les Québécois séparatistes, minoritaires dans leur province, aspirants à l’indépendance face au pouvoir anglophone canadien, se reconnaissent dans la lutte des Palestiniens pour leur autonomie. Celle-ci leur rappelle leur propre statut face aux anglophones dans la représentation politique qu’ils se font de leur combat pour l’indépendance.

Les Israéliens quant à eux, représentent cette domination impérialiste.

De plus, allié des Américains c’est-à-dire des anglophones, Israel se voit systématiquement associé aux expansionnistes et à leur supposée toute puissance. D’où le glissement sournois de l’identification à l’opprimé face aux ‘’agresseurs’’.

Religieuse ensuite. L’église s’est toujours tournée du côté des pauvres et des opprimés, même si ceux-ci n’étaient qu’une ‘’couverture’’. Dans l’imagerie populaire, en plus d’être un peuple déicide, voilà que les Israéliens (donc les Juifs) se révèlent également être les bourreaux d’une population civile aspirant à vivre en paix avec ses voisins…

A cela s’ajoute le problème de la communauté juive. Majoritairement ashkénazes car originaires d’Europe, les premiers immigrants juifs sont devenus anglophones malgré eux, car les écoles francophones, essentiellement confessionnelles, leur ont fermé leurs portes. Les Juifs se sont alors tournés vers les anglophones qui les ont accueillis. Aujourd’hui encore, 80% de la communauté juive est anglophone. Les Juifs représentent donc pour les Québécois indépendantistes des traîtres à leur cause, car associés à l’ennemi héréditaire.

Il n’en faut pas plus pour que les vieux schémas antisémites doublés d’une culpabilité embarrassée et embarrassante (l’église s’est opposée à l’entrée en guerre des francophones pour aller libérer l’Europe lors de la Seconde Guerre mondiale) resurgissent au grand jour, drapés des oripeaux de la lutte pour la justice et la paix.

Concrètement, comment cela se répercute-t-il ? Dans la presse québécoise bien-sûr, où tous les poncifs éculés se retrouvent. Le parti pris est évident. Tous les médias cherchent systématiquement des intervenants correspondant à la pensée unique régnante. Toute personne souhaitant émettre un avis différent est tenue à l’écart. Il en est ainsi d’un professeur reconnu, spécialiste des questions du Moyen-Orient, autrefois bien vu des médias, aujourd’hui boycotté à cause de sa sympathie affichée pour Israel et la défense de ses valeurs.

Il faut noter cependant une différence entre les médias francophones et anglophones. En effet, ces derniers sont moins virulents à l’égard d’Israel. De tradition protestante, donc plus proche de la Bible et des Juifs, le monde anglo-saxon n’a pas hérité de cette longue tradition de haine vouée au peuple juif par l’Eglise. Ceci explique leur plus grande compréhension d’Israel, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001.

Au niveau universitaire également, les répercussions se font sentir. Ainsi, il y a un an, lorsque le centre Hillel (mouvement des étudiants juifs) a invité, avec toutes les autorisations, l’ancien Premier Ministre israélien Benyamin Natanyahou, sur le campus de Concordia pour prononcer un discours, sa venue a dû être annulée suite au saccage de l’université par 200 étudiants arabes et sympathisants alter-mondialistes. En épilogue de cette affaire : toute manifestation relative au Moyen-Orient (culturelle ou politique) est suspendue au sein de cette université.

Les professeurs des facultés francophones, Juifs ou non-Juifs (minoritaires, certes, mais il y en a) qui affichent ouvertement leur sympathie envers l’Etat hébreu se voient d’une certaine manière, mis sur la touche.

Malheureusement, parmi les Juifs aussi se trouvent toujours de fervents défenseurs de la cause palestinienne. Et ils ne sont pas les moins virulents. Ainsi, à Montréal, une organisation du nom de ‘’Paju’’ (Palestinian and Jewish Unity), co-fondée par un Juif et un Palestinien, tous deux citoyens canadiens, a vu le jour il y a quelques années. Composé de Juifs, de Palestiniens et de Canadiens, ce mouvement prétend défendre les Droits de l’Homme et manifeste tous les vendredis au pied du consulat israélien contre ‘’l’occupation sioniste’’. Il a fallu l’intervention du consul d’Israel pour que les organisations juives se mobilisent face à ces démonstrations. Désormais, les deux camps manifestent de part et d’autre d’une des grandes artères principales du centre ville.

Mais heureusement aussi, la contre-attaque s’organise. Ne voulant pas rester inactif face au déferlement des anti-Israéliens, Edmond Silber a lancé depuis quelques années, un site Internet canadien bilingue voué à la défense d’Israel et de son image dans les médias.

Il est vraiment navrant de constater que même en Amérique du Nord, pourtant garante des valeurs de tolérance et d’ouverture, il y ait une tentative de monopolisation de la parole en faveur des Palestiniens qui se traduit par une pensée monolithique et manichéenne concernant le conflit israélo-palestinien. La liberté d’opinion dans la presse se voit amputée. Gageons que les esprits sains soient encore capables de penser objectivement et librement, loin des passions aveugles et pernicieuses.


Noémie Grynberg 2003