Islamistes d’Afriques : qui sont les Shebabs ?

Shebab

Né en 2006, le mouvement des Shebab (signifiant «jeunes» en arabe) résulte de la fusion de plusieurs groupes islamistes somaliens. Affilié à Al-Qaeda, il a rapidement gagné du terrain jusqu’à contrôler, à partir de 2009, une fraction de la capitale Mogadiscio, ainsi qu’une partie du sud et du centre du pays. Actuellement, cette faction radicale domine encore de vastes zones rurales et agricoles dans le sud de la Somalie.

Les motivations des Shebabs mêlent nationalisme somalien, volonté d’imposer un Etat islamique fondé sur la charia et jihad global. Bien organisés, financés par les réseaux jihadistes de l’étranger mais aussi par les taxes qu’ils ont mises en place dans les régions qu’ils commandent, ces extrémistes se sont ancrés dans la population somalienne en maniant à la fois intimidation et protection. Ils ont ainsi rapidement gagné du terrain jusqu’en 2009, époque à laquelle une partie du leadership a fait allégeance à Al-Qaeda.

Jusqu’à récemment, le mouvement a agi uniquement sur un plan local. Mais aujourd’hui, ces fondamentalistes semblent rejetés par la majorité de la population car leur idéologie ne correspond pas à l’islam traditionnel en vigueur en Somalie où l’on pratique le culte des ancêtres et vénère des monuments. Les Shebab ont en outre ignoré les structures claniques, pourtant très prégnantes dans leur pays. Enfin, ils ont voulu interdire la musique, le football… Autant de mesures extrêmement impopulaires. Bref, ils s’avèrent trop intolérents aux yeux des Somaliens eux-mêmes.

Par ailleurs, selon Sonia Le Gouriellec, spécialiste de la corne de l’Afrique, depuis 2011, le mouvement dissident s’est affaibli face aux troupes de la force africaine (Amisom) et de l’armée kényane. De plus, il est victime d’incessantes querelles internes, ce qui le fragilise. Pourtant, depuis le printemps 2013, tous les jours ou presque à Mogadiscio, les Shebab sont à l’origine d’incidents. En avril, les extrémistes s’en sont pris à un tribunal, faisant 34 morts. En juin, au principal complexe de l’ONU qu’ils qualifient d’organisation «ennemie de l’islam», causant 9 morts. Début septembre, ils ont tendu une embuscade au convoi du président somalien Hassan Cheikh Mohamoud qui en est sorti indemne. Quelques jours plus tard, les terroristes africains ont revendiqué un double attentat qui a fait 18 morts. Ou encore en octobre, l’explosion d’un restaurant. Néanmoins, le jihad local s’essouffle. Alors les Shebab ont porté la terreur dans un pays voisin. Ainsi en septembre dernier, l’attaque d’un centre commercial dans la capitale kenyane s’est conclue par 67 morts et 39 disparus. Pour certains spécialistes, cette violence des Shebab répond en fait à leur perte d’influence. Actuellement, on évalue le nombre de leurs militants à quelques milliers de combattants.

Financement du mouvement

L’argent reste le nerf de la guerre et les Shebab qui ont des besoins financiers importants, sont loin d’en être privés. Chacun des combattants reçoit mensuellement entre 100 et 500 dollars. Comme ils sont environ 5000, cela suppose des recettes d’au moins un demi million de dollars par mois. Pour réunir ces sommes, le groupe islamiste utilise le racket sur les commerces et le transport. Mais le gros des ressources vient de l’exportation du charbon de bois vers l’Arabie saoudite via des traders de Dubaï. Grâce à ces réseaux, les Shebab tirent des millions de dollars de bénéfices. Les islamistes somaliens financent également leurs actions grâce en grande partie au trafic et à la contrebande de défenses d’éléphants. Sans pour autant tuer directement les pachydermes, ils se cantonnent au commerce de l’ivoire. Aussi, certains braconniers préfèrent le vendre aux Shebab parce qu’ils payent bien. Ce marché noir représenterait jusqu’à 40 % des fonds du mouvement.

Recrutement à l’étranger

Désormais, les Shebab utilisent le web pour tenter de recruter des Occidentaux. S’appuyant sur des arguments religieux et nationalistes, ils ont mobilisé de la sorte au moins 40 Américains musulmans pour lutter contre les troupes étrangères en Somalie et pour mener des attentats aux Etats-Unis. Les fondamentalistes est-africains auraient de même réussi à enrôler et à radicaliser 20 autres citoyens canadiens qui ont rejoint le groupe extrémiste en Somalie. Mais début août, quatorze des 40 Américains ayant voulu intégrer les insurgés proches d’Al-Qaeda ont été arrêtés : douze au Minnesota (nord), un en Alabama (sud) et un autre en Californie (ouest). Certains des suspects ont été inculpés pour soutien matériel à un groupe terroriste, précisant que ces derniers avaient levé des fonds pour les Shebab sous couvert d’un faux organisme de charité.

Répercussions internationales

Les Shebab chercheraient-ils aussi à atteindre Israël ? A Jérusalem, la réponse est non. La porte-parole du ministère des Affaires Etrangères a démenti le fait que l’Etat hébreu pouvait être visé par la milice somalienne. Pourtant, l’attaque de Nairobi a commencé près d’un café tenu par un Israélien. De plus, la faction radicale a déjà adressé des menaces directes à Israël qu’elle accuse d’avoir détruit la mosquée al-Aqsa.

Quoi qu’il en soit, début octobre, des membres des forces spéciales américaines ont effectué un raid en Somalie visant des terroristes islamistes appartenant au groupe shebab. Quant aux forces britanniques et Turcs, elles auraient attaqué une de leurs bases dans le sud du pays. De son côté, le Canada a assuré qu’il prendrait toute sa part dans la lutte engagée par le gouvernement somalien contre le terrorisme des insurgés musulmans. Ottawa va ainsi octroyer une aide financière supplémentaire de 6 millions de dollars pour différents programmes de sécurité. Car selon Washington, les Shebab, bien qu’affaiblis, demeurent encore dangereux et capables de mener des opérations non conventionnelles sophistiquées. Une menace non seulement en Somalie – pays classé comme le plus corrompu et le plus défaillant au monde – mais aussi dans toute l’Afrique de l’Est.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2013

[1] Libération, 24 septembre 2013