Grèce – Israël : la nouvelle alliance

Grece Is

Depuis que la Turquie s’est détournée d’Israël, l’Etat hébreu cherche un nouveau partenaire dans la région en vue de conclure une alliance stratégique,notamment pour utiliser un espace aérien de remplacement. Dans cette perspective, qui serait mieux placée que laGrèce pour remplir ce rôle laissé vacant par son rival de toujours ?

Les relations diplomatiques entre Jérusalem et Athènes sont assez récentes. Elles remontent seulement à 1990 lorsque leurs délégations diplomatiques ont fait place à des ambassades. Jusqu’en 1995, Athènes s’est affichée ouvertement pro-palestinienne ce qui a expliqué sa frilosité à officialiser ses relations avec l’Etat hébreu depuis 1948. Pourtant, plusieurs essais de rapprochement gréco-israélien ont été tentés mais sans succès, pour des raisons de politique régionale. Aujourd’hui, la Grèce semble vouloir réactiver et consolider son amitié avec les Etats-Unis et avec l’Etat juif.

Alors qu’en mai dernier le ministre grec de la Défense avait ordonné d’arrêter des exercices aériens avec Israël après l’arraisonnement par Tsahal de la flottille en route vers la bande de Gaza, aujourd’hui la Grèce voit en Israël un nouveau partenaire potentiel très intéressant. En effet, le gouvernement du socialiste Georges Papandréou a ces derniers temps exprimé publiquement le souhait d’un rapprochement avec l’Etat juif, au moment même où la Turquie devenait de plus en plus critique à l’encontre d’Israël.

Des liens politiques sont rapidement noués entre les deux pays. Ainsi en août dernier,  Benjamin Netanyahou devient le premier chef de gouvernement israélien à effectuer une visite officielle en Grèce depuis la création de l’Etat hébreu.

Lors de ce voyage de deux jours, le Premier ministre israélien a émis le vœu que sa démarche conduise à une augmentation des investissements et des coopérations dans les domaines de la technologie de l’eau et de sa gestion, des énergies renouvelables, du commerce, des initiatives, etc. « Nous avons convenu qu’une délégation économique de ministres, d’entrepreneurs et de représentants du secteur des entreprises israéliennes viendra à Athènes dans les prochains mois afin de développer ce potentiel économique » a-t-il précisé, se référant à l’extension des relations déjà existantes dans ces secteurs ainsi que dans celui de l’agriculture.

Politiquement, il semblerait que le premier ministre israélien soit aussi allé chercher le soutien de la Grèce face au problème du nucléaire iranien si d’aventure Israël décidait d’une frappe contre les installations de la République Islamique. C’est pourquoi Benjamin Netanyahou a également demandé à la Grèce d’appuyer les sanctions internationales contre Téhéran.

De son côté, son homologue grec, George Papandréou a déclaré que malgré certaines dissensions, il souhaitait avoir de bonnes relations avec ses voisins. Selon lui, cette « collaboration ne peut-être que bénéfique pour tout le bassin méditerranéen ». Le Premier ministre grec a proposé sa médiation dans les pourparlers directs entre Israël et l’Autorité palestinienne. Un mois auparavant, il venait d’effectuer sa première visite officielle en Israël.

Un des autres aspects communs aux deux pays est la crise économique que traverse la Grèce, crise semblable à celle traversée par Israël dans les années 80. Ce dernier a démontré qu’une politique d’austérité (réduction des dépenses publiques, blocage des prix, baisse des salaires, maîtrise de l’inflation) permettait d’assainir une économie malade et de redémarrer la croissance. Bien que la Grèce n’ait pas la même économie qu’Israël, elle peut cependant prendre exemple sur la volonté politique qui a permis au pays de sortir de son déficit grâce à un ajustement budgétaire efficace. Effectivement, Athènes a demandé à Stanley Fisher, le directeur de la Banque d’Israël, une aide concrète sur la manière de gérer les dépenses publiques dans une économie en faillite, afin d’être conforme aux recommandations du Fonds Monétaire International.

De plus, la Grèce compte bien pouvoir récupérer la manne financière du tourisme israélien ayant récemment déserté la Turquie. Les Israéliens pourraient ainsi intervenir dans le développement du secteur touristique de leur nouvel allié. Il a même été question de mettre en place des voyages combinant Athènes et Jérusalem pour les vacanciers du monde entier.

Ainsi, les deux pays comptent sur une coopération bilatérale au plan sécuritaire, militaire et économique. L’objectif vise la pérennité de la stabilité, de la pacification et de la paix au Moyen-Orient, comprenant la lutte anti-terroriste. De plus, depuis que la Turquie a tourné le dos à son ancien allié stratégique, Israël s’entraine désormais dans l’espace aérien grec pour la formation de ses pilotes de chasse.

Non seulement les relations de la Grèce avec l’Etat hébreu renforceraient sa place stratégique dans la région mais en plus, Athènes pourrait augmenter ses achats d’équipements militaires de pointe via Israël et moderniser son armée avec l’aide de Tsahal. En complément, les deux pays pourraient renforcer l’échange de renseignements sensibles. Ainsi, le rôle de médiateur anciennement tenu par Ankara reviendrait désormais potentiellement à Athènes, un bon point pour sa politique extérieure.

De son côté, un des atouts qu’Israël voit en la Grèce réside dans son appartenance à l’Union européenne, en plus de ses relations étroites avec les pays arabes et notamment avec les Palestiniens. D’ailleurs, Papandréou s’est entretenu au téléphone avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le président égyptien Hosni Moubarak avant la visite de Netanyahu début septembre aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, la Grèce et Israël sont plus proches que jamais politiquement. Malgré tout, même si l’Etat hébreu semble avoir trouvé en la Grèce un allié de substitution en Méditerranée, cette dernière ne pourra jamais remplacer sa rivale turque représentant un marché de plus de 72 millions d’habitants contre 11 millions de Grecs, un médiateur régional musulman et la deuxième armée du Moyen-Orient.

Mais le dicton ne dit-il pas : « faute de grives, on mange des merles » ?

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2010