Deux Etats : oui ! Mais comment ?

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Un consensus quasi général paraît aujourd’hui réunir la classe politique israélienne, toutes tendances confondues. Il lui semble désormais évident que la réponse au conflit palestinien se trouve dans la solution de 2 Etats, projet maintenant soutenu aussi par l’échelon sécuritaire du pays.

La solution de 2 Etats  est un très beau slogan. Tandis que tout le monde exprime son engagement ‘’politiquement correct’’ pour cette idée (en Israël comme à l’étranger), aucun leader quel qu’il soit ne s’y risque vraiment tant les écueils politiques sont grands par rapport aux perspectives de succès.

Alors que l’Etat hébreu fait de moins en moins confiance aux Palestiniens pour gérer leur autonomie et pour honorer leurs engagements (Gaza en est le meilleur exemple), l’échelon politique dans sa large majorité semble pourtant s’accorder sur la solution de 2 Etats. Reste à savoir sur quelle base et comment la mettre en pratique. Israël est d’accord sur le principe mais pas à n’importe quel prix. Plutôt que de dépendre des volontés et enjeux internationaux divers, le pays préfère prendre les devants.

Bien que concrètement les négociations stagnent, pour ne pas laisser le terrain diplomatique vacant, les hauts responsables sécuritaires israéliens ont élaboré un plan original permettant un partage territorial qui s’avère comme quasiment inévitable, tout en tenant compte des impératifs sécuritaire de l’Etat. Depuis quelques mois, ils tentent de faire connaître à la diplomatie internationale leurs nouvelles propositions innovantes, espérant ainsi les faire accepter. Les pourparlers entre les différentes parties auraient déjà commencé.

Dans le contexte actuel, si Israël se retirait de la Judée Samarie, il devrait évacuer au moins 100.000 personnes, ce qui est irréalisable. Le prix économique de ce retrait s’élèverait à 30 milliards de dollars ! Somme insoutenable pour le budget de l’Etat.

Rappelons qu’avant 1967, la Jordanie et l’Egypte étaient respectivement responsables de la Judée Samarie et de Gaza. Aujourd’hui, dans ce même espace, un 3e Etat arabe souhaite voir le jour : l’Etat palestinien. Mais la préoccupation israélienne, outre sécuritaire, est que cette nouvelle entité soit viable sinon l’Etat hébreu subirait les conséquences d’un véritable retour de flamme. Or actuellement, la solution d’un Etat palestinien divisé entre Gaza et la Judée Samarie n’est absolument pas viable. Pas besoin de faire un dessin : Israël serait totalement pris en tenaille. De plus, aucun pays partagé au monde n’a survécu à sa division (exemple : le Pakistan et le Bengladesh). Il est donc hors de question pour Israël de se soumettre à cette solution bancale dès le départ.

La solution Gaza

Israël a besoin de paix et de sécurité. A ce titre, il cherche des solutions pour sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve. L’Etat hébreu a bien compris que le pouvoir du Hamas ne tombera pas de si tôt et que ce n’est pas à lui de décider qui doit gouverner les Palestiniens. Quant à l’Autorité de Mahmoud Abbas, compter sur un nouveau leadership semble une option risquée.

Aussi, Israël table sur une autre stratégie permettant de redonner un pouvoir viable à Gaza. Ce nouveau plan, élaboré par le Conseil National Sécuritaire israélien a de quoi surprendre à priori mais il mérite d’être étudié. Il se base sur les théories du choix rationnel en proposant une maximisation des bénéfices de chacun par une collaboration active gagnant-gagnant en intégrant l’Egypte comme partenaire. Il s’agirait de doubler ou tripler la taille de Gaza en lui ajoutant 600 km carrés pris sur le territoire égyptien du Sinaï qui donneraient ainsi la possibilité à cette étroite bande surpeuplée de construire une nouvelle ville d’un million d’habitants, dotée d’un port et d’un aéroport. Ces infrastructures créeraient les conditions d’une possible expansion économique. Et qui dit expansion économique pense en général à élévation du niveau de vie et stabilisation politique. Gaza deviendrait une plaque tournante des échanges commerciaux de la région, permettant de prélever des taxes sur les transferts et passages de marchandises. Le nouvel Etat serait donc économiquement viable. La croissance économique encouragerait un phénomène de démocratisation, condition préalable à tout accord de paix durable.

Parallèlement, Israël obtiendrait 600 km carrés en Judée Samarie (12% de la région) – minimum sécuritaire requis pour assurer ses intérêts vitaux et pour assoire sa sécurité, pour l’instant menacée en l’état. En dédommagement, l’Etat hébreu rendrait à l’Egypte 600 km carrés du sud du Néguev. En terme de superficie territoriale, aucune partie ne perdrait de surface. Cet échange semble maximiser pour l’instant les demandes israéliennes sécuritaires et les revendications arabes territoriales. L’Egypte bénéficierait elle aussi des retombées économiques du développement gazaouite en la plaçant au carrefour des échanges entre l’Europe et les pays du Golfe. Elle pourrait de plus profiter d’un couloir permettant les mouvements vers le reste du Moyen-Orient sans devoir passer par Israël. L’optique de devenir le Singapour du Moyen-Orient paraît tentante et raisonnable. Mais les leaders gazaouites et égyptiens seront-ils assez clairvoyants pour voir dans la solution du développement économique (contre un renoncement géographique) la véritable réponse à leur envie d’autonomie pour les uns et de stabilité pour les autres ?

Pour Israël, ce processus de coopération gagnant-gagnant vise à atteindre un résultat satisfaisant les différents partenaires. Mais l’Egypte est-elle prête à une telle position ? Officiellement, non, pas encore.

L’option jordanienne

Si Israël se retirait totalement de Judée Samarie, en quelques mois le Hamas y prendrait le pouvoir, ce qu’il ne peut risquer pour la sécurité du pays. Le gouvernement jordanien, lui aussi conscient des dangers d’une prise de pouvoir du Hamas à ses frontières, il craint cependant également qu’un Etat palestinien à ses portes ne menace son propre régime à cause de la forte population palestinienne concentrée dans le royaume hachémite.

Afin d’éviter ce danger et doutant de la concrétisation de la solution des 2 Etats, les Palestiniens de Judée Samarie cherchent une alternative à la présence israélienne : une nouvelle situation politique impliquant la Jordanie dans la région, une sorte de fédération jordano-palestinienne locale. Officiellement, cette option semble ‘’politiquement incorrecte’’ mais selon l’échelon sécuritaire israélien, beaucoup de Palestiniens souhaitent secrètement cette solution. Elle permettrait à la Jordanie de mieux gérer la situation palestinienne en tant qu’autorité politique fédérale arabe.

Ces différentes options trilatérales montreraient la réelle bonne volonté des pays arabes voisins d’Israël dans la résolution du ‘’problème’’ palestinien et pas seulement au niveau déclaratif.

Optimistes, les Israéliens croient beaucoup à cette nouvelle solution basée sur l’échange dynamique et le consensus. Les pays arabes parviendront-ils à surmonter leurs blocages idéologiques et politiques ? Contrairement à Ben Gourion, les Palestiniens ne paraissent pas prêts à des concessions s’ils ne peuvent pas tout obtenir.

Quoi qu’il en soit, sans un réel leadership palestinien, rien ne pourra se décider. Tant que sa rhétorique restera axée sur le misérabilisme plutôt que sur l’amélioration du niveau de vie, tant que son attitude restera inchangée concernant Israël, il manquera toujours certaines conditions indispensables à la paix.

 

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2009