Une psychomotricienne au service des enfants douloureux

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Longtemps, la douleur n’a pas été prise en compte en milieu hospitalier. Mais depuis une dizaine d’années, les mentalités commencent à changer et certains soignants se sont engagés dans le combat contre la douleur. Installée depuis un an et demi à Jérusalem, Ronit Obadia, diplômée en psychopathologie de l’enfant, ancienne psychomotricienne à l’hôpital Trousseau de Paris, a le projet ambitieux d’implanter en Israël les techniques de relaxation et de bien-être pour soulager les enfants douloureux hospitalisés.

Pour le docteur français Daniel Annequin, anesthésiste et psychiatre pionnier dans le combat contre la douleur de l’enfant, ce problème dérange, déstabilise. Le docteur Annequin se bat contre la conception doloriste généralement admise chez les médecins. Selon lui, cette question se heurte à un problème culturel, celui ‘’du mépris et du déni de la douleur de l’enfant, son bien-être étant considéré comme un élément de confort et, à ce titre, jugé non prioritaire’’[1]. Son travail a conduit à l’ouverture d’unités spécialisées dans les hôpitaux français.

D’après l’Association pour le Traitement de la Douleur de l’Enfant, s’occuper d’un enfant douloureux nécessite une voix calme et douce, des gestes lents et doux, des mains accueillantes. Plus l’enfant est douloureux, plus il faut l’aborder avec lenteur. Cela requiert une certaine empathie corporelle. L’approche de l’enfant doit être progressive en diminuant au maximum les sources d’anxiété : éviter autant que possible les moyens de contention, favoriser le confort, respecter les stratégies d’adaptation de l’enfant face à la douleur (information, participation, implication, distraction ou concentration), favoriser la présence des parents. La douleur prolongée chez l’enfant ou le prématuré se manifeste par l’inexpression émotionnelle, le désintérêt pour l’environnement et l’atonie motrice. L’enfant se replie alors sur lui-même.

Pour y palier, les médecins ont actuellement la possibilité d’utiliser des moyens non pharmacologiques et de se tourner vers des méthodes psycho corporelles telles que la relaxation, l’hypnose ou le rêve éveillé dirigé. C’est exactement la thérapie dont se sert Ronit Obadia pour apaiser ses petits patients. Ancienne collaboratrice du docteur Daniel Annequin, au sein de l’unité douleur de l’hôpital Trousseau, elle s’est spécialisée au cours de son expérience professionnelle dans les soins psychomoteurs des enfants douloureux.

Un métier, une passion

Le métier de psychomotricienne est avant tout un travail d’équipe avec les personnels soignants : infirmières et médecins.

Le domaine de compétence de Ronit Obadia s’exerce en néonatologie et en pédiatrie, notamment au sein du service d’analgésie. Entre 2000 et 2003, en France, elle travaille au développement et à la stimulation des jeunes enfants et des bébés hospitalisés, à la thérapie motrice des enfants douloureux et malades chroniques, à la relaxation et aux relations mère-enfant. Elle approche ainsi les enfants phobiques et cancéreux. En binôme avec une psychiatre, Ronit prend en charge la douleur de l’enfant, l’aide à supporter les soins, le relaxe pour maîtriser sa douleur, s’occupe de son bien-être et de son confort physique, le corps étant trop souvent oublié dans les thérapies lourdes et médicalisées.

Ronit utilise plusieurs méthodes : l’hypnose par induction verbale, le touché du corps par mouvement, le yoga et d’autres techniques de relaxation. Elle se concentre sur le tonus corporel du petit, c’est-à-dire son niveau de tension entre son corps et le monde, l’autre. Le soin doit être adapté à l’enfant, à son tonus, à son psychisme. Il est important que s’installe une bonne dynamique entre la psychomotricienne et le jeune patient.

Concernant les soins prodigués aux prématurés, il s’agit d’établir au préalable un bilan neuro-moteur du nourrisson. En binôme avec un pédopsychiatre, le travail avec la famille est également très important pour accompagner la mère.

Ethique et soins hospitaliers

Travail guidé par la sensibilité, l’empathie et le don de soi, la thérapie motrice s’entend également comme une relation à l’autre et donc à dieu, selon la philosophie lévinassienne à laquelle adhère totalement Ronit.

Interpellée par les questions d’éthique dans le domaine de la santé, au sein de ‘’l’espace éthique’’, institut de formation de l’Assistance Publique et des Hôpitaux de Paris, Ronit peut allier judaïsme et éthique. La notion d’Espace éthique procède de la volonté de participer à la construction d’une véritable démocratie hospitalière portée par les personnels hospitaliers et les membres d’associations impliqués au cœur de la vie de la cité. Dans le champ du soin, le souci ou l’attention éthique relève d’une acquisition de compétences et d’expériences qui concernent la culture générale (philosophie morale et politique, épistémologie, histoire des idées et des sociétés, anthropologie, sociologie, droit, etc.). Cette transmission doit relever d’une approche universitaire pluridisciplinaire de haut niveau. Ainsi quelle est la place de la douleur et de l’enfant souffrant par rapport à la foi ? Pour Ronit, ils expriment plutôt les symptômes d’une société malade.

Sionisme et judaïsme

En juillet 2003, alors que le docteur Daniel Annequin lui propose un poste de titulaire à l’unité douleur de l’hôpital Trousseau, Ronit Obadia refuse pour cause d’alya. Ancienne des EIF, Ronit se définit comme très sioniste et nationale-religieuse. Sa recherche personnelle de lui a révélé la centralité d’Israël dans le judaïsme à travers son étude d’Emmanuel Lévinas. Ainsi, il lui apparaît que sans Israël, il manque une dimension à la relation à l’autre donc au divin. Par conséquent, monter en Israël parachève son parcours personnel, éthique et professionnel. C’est cet acquis, cette expérience globale que Ronit Obadia souhaite maintenant offrir aux hôpitaux israéliens, à l’instar de ce qu’elle a réalisé en France. Soulager les enfants douloureux dans le don de soi pour atteindre ‘’l’ordre du sacrement’’ selon la pensée de Lévinas.

 

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2004


[1] Daniel Annequin T’as pas de raison d’avoir mal ! ed. de la Martinière 2002