Changement d’heure

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Immanquablement, chaque année, à la période du changement horaire, les débats reprennent entre supporters et opposants. Une question qui n’en finit pas de cherche midi à quatorze heures.

Le changement d’heure est effectué 2 fois par an en France comme en Israël. Il a été instauré dans l’Hexagone en 1975 après le choc pétrolier de 1974, avec l’objectif d’effectuer des économies d’énergie en réduisant les besoins d’éclairage, en tentant de faire correspondre au mieux les heures d’activités avec les heures d’ensoleillement afin de limiter l’utilisation de lumière artificielle. Depuis 1998, dans tous les pays membres de l’Union européenne, le passage à l’heure d’hiver s’effectue le dernier dimanche d’octobre et le passage à l’heure d’été, le dernier dimanche de mars. Cette modification horaire permet d’économiser des millions de kilowatts/heure et de baisser les émissions de CO2.

En Israël, la date officielle du changement d’heure, adoptée en 2005, n’a pas toujours fait consensus. Ainsi en 2010, une pétition demandait son report d’un mois car estimé trop tôt par rapport au calendrier. Les dates fixées par la législation israélienne sont le fruit d’un compromis entre les partis religieux et laïcs : jusqu’à cette année, celle de la fin de l’heure d’été était établie selon le calendrier juif par rapport au jeûne de Kippour bien que le passage à l’heure d’hiver ou d’été n’a aucun caractère « religieux ». Mais depuis 2011, la période estivale a été rallongée à 193 jours. Cependant, l’aspect économique de cette modification horaire reste controversé. Certains affirment que l’économie d’énergie réalisée en Israël grâce aux 6 mois d’heure d’été atteint les 50 millions de shekels (10 millions d’euros) dont deux tiers réalisée par les entreprises et un tiers par les foyers israéliens. D’autres pensent que grâce à l’heure d’été, la productivité s’améliore et le chiffre d’affaires de certains commerces s’accroît. Selon les mêmes opinions, si le passage à l’heure d’hiver était reculé jusqu’au début novembre, Israël réaliserait une économie de 15 millions de shekels. Mais ces avis ne sont pas partagés par tous les spécialistes de la question.

Quoi qu’il en soit, en juin dernier, le ministre de l’Intérieur Eli Ishaï (Shass) a décidé de créer une commission d’experts en vue d’étudier la possibilité de prolonger les horaires d’été en prenant en compte les paramètres appliqués en Europe afin d’aligner les horaires d’Israël sur ceux du vieux continent. Ceci a permit aux Israéliens de bénéficier plus longtemps de la lumière du jour.

Au-delà de la querelle des pour et des contre, quels effets provoque vraiment le changement d’heure sur la population, l’économie, la société ? Pour connaître plus précisément l’influence de ce phénomène, deux spécialistes ont été interrogés : la neurologue-somnologue du centre hospitalier Shiva, le docteur Gili Guivati et le Professeur Ely Merzbach du Département de Mathématiques de l’Université Bar-Ilan.

Existe-t-il une influence du changement d’heure sur les personnes ?

Docteur Gili Guivati : Oui. Le meilleur exemple est le décalage horaire. Suivant que l’on voyage vers l’est (plus tard) ou vers l’ouest (plus tôt), le corps ne réagit pas de la même façon. Il faut du temps à l’horloge biologique pour se resynchroniser. On estime que le corps récupère un quart d’heure de décalage par jour. C’est pourquoi certaines personnes ont besoin de plusieurs jours voire de plusieurs semaines pour retrouver leur rythme propre. C’est une question de gène. Il faut donc se montrer patient et prévoyant.

Quels sont ses influences et sur qui ?

Dr. G.G. : Chacun du jour ou de la nuit présente des avantages et des inconvénients. Par exemple, l’heure d’hiver convient mieux aux enfants : ils leur est plus facile de se coucher tôt lorsqu’il fait déjà nuit que lorsqu’il fait encore jour. Mais pour certains adultes, l’obscurité provoque dépression et suicide. A l’opposé en été, le rendement dans le monde du travail semble meilleur car les gens se lèvent plus tôt. Cela dépend aussi des personnes : celles qui sont plutôt du jour ou celles qui sont plutôt de la nuit. Pour les premières, la modification horaire semble davantage difficile à gérer que pour les secondes. Le changement d’heure peut provoquer une difficulté à se réveiller ou à s’endormir. L’âge aussi peut jouer. Les jeunes ou les séniors se révèlent plus sensibles aux perturbations de leur horloge biologique. Mais globalement en Israël, on remarque peu de différences entre eux.

Israël présente-t-il une spécificité ?

Dr. G.G. : Contrairement aux pays du nord, Israël bénéficie de suffisamment d’heures d’ensoleillement. L’écart de lumière de jour entre été et hiver n’est que de 3 heures. Et même en hiver, la clarté dure 10 heures (de 07:00 à 17:00 heures environ).

Comment peut-on tenter de diminuer les désagréments causés par le changement d’heure?

Dr. G.G. : En agissant par étape surtout avec les enfants. Prévoir quelques jours à l’avance le changement progressif de l’heure de réveil et de coucher. Ne pas sauter brusquement d’un coup d’une heure de plus ou de moins.

Existe-t-il des remèdes permettant d’amoindrir leurs effets indésirables ?

Dr. G.G. : La luminothérapie, autrement dit, l’exposition à la lumière pour recaler l’horloge interne. Ou alors la prise de mélatonine en cachet, qui provoque la sensation de fatigue mais pas d’endormissement. De façon générale, une alimentation correcte (pas trop lourde le soir) permet de mieux dormir. Il est important de respecter scrupuleusement l’heure en cours pour les prises de repas.

Qui s’occupe plus particulièrement de ce problème médical en Israël ?

Dr. G.G. : Il n’existe pas vraiment de médecine s’occupant des problèmes occasionnés par le changement d’heure, à part peut-être quelqu’expert en trouble du sommeil.

Le changement d’heure est-il vraiment indispensable en Israël ? Pour en avoir le cœur net, voici la réponse de l’un des membres du comité nommé par Eli Ishai, chargé de débattre du calendrier horaire 2011.

Le changement d’heure présente-t-il de réels avantages économiques ?

Pr. Ely Merzbach : Pas en Israël. Il n’entraîne pas d’économie dans la consommation d’électricité ou d’énergie. Affirmer le contraire relève du mythe. Les études montrent que la dépense énergétique reste identique en hiver ou en été. Le changement d’heure convient bien aux pays tempérés (Europe, Etats-Unis) situés sur le 50e parallèle. Pour ceux établis plus au nord ou plus au sud (pays tropicaux, équatoriaux, polaires), cela ne présente pas d’intérêt. D’ailleurs certains pays comme le Japon, la Russie ou nos voisins arabes de la région ont choisi de ne pas pratiquer le changement d’heure.

Alors pourquoi Israël a décidé de l’appliquer ?

Pr. E. M. : Pour s’aligner sur l’Europe et par confort. L’heure d’hiver correspond mieux au rythme de vie israélien. La population a l’habitude de se lever tôt.

Quelle différence entre la France et Israël ?

Pr. E. M. : L’heure est fixée selon le méridien de Greenwich en Grande-Bretagne. Chaque 15° vers l’Est correspond à une heure supplémentaire. Israël se situe à 35° Est de la France. La réelle différence d’heure entre les deux pays est de 2 heures 21 minutes précisément. Du fait de ce léger écart par rapport à une heure ronde, Israël ne vit jamais selon l’heure solaire exacte mais avec un petit décalage, pour plus de commodité.

De quelle façon le judaïsme rentre-il en ligne de compte ?

Pr. E. M. : La nouveauté de la commission nommée par le ministre Eli Ishaï est d’avoir statué sur le calendrier de mise en place de l’heure d’été en prenant en compte le fait que le lever du jour ne se produise jamais plus tard que 6H30. C’est le seul point en rapport direct avec la religion. De plus, cette année, le Rav Ovadia Yossef a accepté la proposition de rallonger l’heure d’été par rapport à la date de Kippour car de toute façon, le jeûne dure 25 heures. Donc finir une heure plus tôt ou plus tard n’a aucune importance. Concernant shabbat, les religieux se prononcent plutôt contre l’heure d’été à cause de ses horaires tardifs d’entrée et de sortie. Quant à l’heure d’hiver, elle permet aux pratiquants de faire shaharit avant d’aller travailler (il faut qu’il fasse déjà jour).

Existe-t-il des inconvénients au changement d’horaire ?

Pr. E. M. : Oui. Certaines personnes ne le supportent pas : elles dorment mal, ne se sentent pas bien. Le changement dérègle aussi les petits. C’est pourquoi tous les parents de jeunes enfants, quelque soit leur appartenance (religieux, laïcs, arabes), s’opposent à l’heure d’été. Selon les sondages, 60% des personnes interrogées se prononcent en faveur de l’heure d’été le plus longtemps possible contre 40% en faveur d’un temps estival plus courte ou de sa suppression.

A-t-il des effets sur l’environnement ?

Pr. E. M. : Je ne crois pas. Nous n’en n’avons pas parlé en commission. Par contre, l’idée qu’en été les accidents de voitures diminuent relève également du mythe. Tous les sondages le prouvent. La corrélation entre les deux termes est de zéro. Concernant les agriculteurs, ils travaillent en fonction de l’heure solaire et se moquent du changement horaire. Si la clarté influence beaucoup les animaux, la modification de l’heure ne les perturbe pas.

Et sur la productivité ?

Pr. E. M. : Le changement horaire a plus d’impact dans le secteur bancaire ou dans le commerce. Pour le reste non. Cela est vérifié. De toute façon, en Israël les gens finissent de travailler avant la tombée de la nuit.

Que pensez-vous de la polémique à ce sujet ?

Pr. E. M. : Il n’y a pas de quoi polémiquer. Le sujet n’en vaut pas la peine. Le changement horaire concerne surtout le confort personnel. Le reste n’est pas très sérieux. Les gens pensent à tort que le changement d’heure permet des économies. Encore une fois, il s’agit d’un mythe ! Aucun économiste n’affirmerait le contraire en Israël.

Un jour, pourra-t-on se passer du changement d’heure ?

Pr. E. M. : Difficile à dire. De toute façon, il n’est pas indispensable en Israël, ni maintenant, ni dans le futur.

Que prévoyez-vous pour l’avenir ?

Pr. E. M. : Il ne s’agit pas d’une question scientifique mais d’un choix politique. Aujourd’hui, tout le monde semble content de la décision de la commission. A long terme, je ne sais pas ce qu’il en sera.

Noémie Grynberg 2011