Les Juifs Kurdes

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Le Kurdistan est une région moyen-orientale éclatée entre plusieurs pays : Iran, Azerbaïdjan, Irak, Syrie et Turquie. Les Juifs y résidant sont les descendants des 10 tribus expulsées du Royaume d’Israël au VIIIe siècle av. J.-C, pendant l’exile assyrien. Leur présence date donc d’il y a 3000 ans.

Jusqu’à leur immigration massive et quasi totale vers Israël dans les années 1940 et surtout au début des années 1950, les Juifs du Kurdistan (principalement d’Iran, d’Azerbaïdjan, d’Irak) vivaient en tant que groupes ethniques fermés, parlant des dialectes néo-araméens. Sans statistiques précises, on supposait à 20.000 ou 30.000 le nombre de Juifs kurdes avant 1948.

Jusqu’en 1950–51, parmi les Juifs du Kurdistan, 146 communautés vivaient dans la zone irakienne, 9 en zone iranienne, 11 en zone turque et 11 autres réparties entre zone syrienne et azérie.

Immigration en Palestine

Dès le 17e siècle, l’immigration en Palestine débuta. Les premier arrivés s’installèrent à Safed. Au 18e et 19e siècle, de plus en plus d’émissaires en provenance de Jérusalem, Tibériade ou Safed furent envoyés au Kurdistan pour tenter de faire monter plus de Juifs en Terre Sainte.

Juste avant la Première Guerre mondiale, des Juifs kurdes d’Irak, d’Iran et d’Azerbaïdjan immigrèrent en Israël. Ils s’intégrèrent vite et envoyèrent à leurs proches des lettres encourageantes afin de les inciter à monter à leur tour. L’immigration qui commença par quelques esseulés se transforma peu à peu en une longue chaîne.

Au début du 20e siècle, en Irak encore sous empire ottoman puis sous mandat britannique, entre les années 1912 et 1925, après le meurtre de 12 Juifs et la propagande anti-sioniste, la communauté kurde décida de liquider ses affaires, de vendre ses champs et maisons à bas prix afin d’immigrer en Palestine. Entre 1920 et 1926, 1.900 Juifs kurdes montèrent en Palestine. En 1935, 2.500. Des villages entiers se vidèrent.

A l’indépendance de l’Irak en 1932, les persécutions anti-juives s’intensifièrent jusqu’à l’éclatement de la révolte irakienne de Rashid Ali en 1941, en faveur de l’Allemagne nazie.

A la création de l’Etat d’Israël, les Juifs du Kurdistan subirent de fortes pressions de la part des autorités de leurs pays respectifs, surtout en Irak. Sans possibilité d’émigrer et de correspondre avec leur famille en Israël, les jeunes manifestèrent. La répression ne se fit pas attendre et fut sans appel. Les Juifs  furent emprisonnés, accusés d’activité sioniste mise hors la loi par des tribunaux militaires.

L’hiver 1950/1951, le gouvernement irakien autorisa enfin l’émigration des Juifs à la condition qu’ils abandonnent tous leurs biens. Cela ne les découragèrent pas et bientôt, ils furent massivement candidats à la montée en Israël. Le gouvernement israélien décréta alors l’opération ‘’ Ezra et Néhemiah’’ qui permit l’immigration en Israël de la totalité des Juifs kurdes d’Irak et de la majorité des Juifs des alentours. L’intensification de l’immigration kurde iranienne suivit celle des Irakiens. Des communes entières se désertifièrent. Les Juifs n’hésitèrent pas à faire des centaines de kilomètres à pieds jusqu’à la capitale Téhéran et de là à embarquer pour la Terre Promise.

Après la grande opération ‘’Ezra et Néhemiah’’, peu de Juifs kurdes restèrent en Turquie et en Syrie.

Intégration

En 1948, avant la grande opération israélienne de rapatriement des Juifs du Moyen-Orient, on comptait tout de même déjà 8.000 Kurdes en Israël.

A leur arrivée en Terre Promise, comme les autres immigrants, les Kurdes furent d’abord hébergés sous des tentes, des baraques et des baraquements. Ce n’est qu’en 1953 que les autorités israéliennes les logèrent dans des HLM construits à proximités des camps de transit. Alors que peu de Kurdes possédaient une éducation formelle, ils s’intègrent vite dans le monde du travail. Beaucoup d’entre eux travaillèrent dans l’agriculture, dans la construction d’habitations et dans les travaux publics où les besoins en main d’œuvre étaient énormes. Avec le temps, les anciens maçons devinrent entrepreneurs. Les petits commerçants s’agrandirent et beaucoup d’entre eux devinrent propriétaires de salles de fêtes ou d’hôtels. Un grand nombre de Kurdes travaillent également aujourd’hui dans le domaine public et gouvernemental.

Les Kurdes combattirent aussi dans la police, les gardes frontières et l’armée, tombèrent au champ d’honneur lors des différentes guerres et des divers combats. Ils participèrent activement à la sécurité du pays, au développement des villes sur les lignes de front.

En Israël, ils conservèrent leurs traditions. Ils formèrent des comités culturels. Ils se disséminèrent dans de nombreuses villes et implantations du pays avec une large proportion s’installant à Jérusalem et ses environs.

Aujourd’hui en Israël, les citoyens d’origine kurde sont au nombre de 130.000. 60.000 d’entre eux vivent à Jérusalem et ses environs, 40.000 dans des villes du nord (Tibériade, Afoula) ou des yéchouvim (Margaliot, Zar’it, Shétoula, Dovev, Kiriat Tivon, Avné’am, Kfar Zeitim, Beit Yosef, Yardéna, Tel Téoumim, Réhov, Réouya, Sdé Téroumot, Parzon, Avital, Mitav). 30.000 ont choisi la région centre (Kfar Yona, Beit shémesh, Kiriat gat, Kiriat Malahi, Ashdod, Rouha Noga, Ménouha, Eshbol).

Vie en Israël

Au début de leur intégration, les Kurdes se mariaient au sein de leur propre groupe (mariages endogamiques). La communauté kurde était plutôt traditionaliste. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes ont abandonné de nombreuses coutumes, sont devenus laïcs, se définissant d’abord comme Israéliens plutôt que comme Kurdes. Ils ne parlent plus la langue d’origine mais seulement l’hébreu, contrairement à leurs aînés.

Ces dernières années, beaucoup d’Israéliens d’origine kurde ont atteint de hauts postes au sein de l’armée. Le meilleur exemple est l’ancien Ministre de la Défense, Yitzhak Mordechai.

Culturellement, les Kurdes d’Israël restent attachés à leur folklore. Ils ont d’ailleurs créé un festival annuel de costumes et de musiques très originaux.

Rabbins

La communauté kurde compte également de grands sages de la Torah. Les deux figures majeures du judaïsme kurde d’Israël sont les rabbins Zaccaria Barachi et Shmouel Barouh.

Zaccaria Barachi naquit en 1900 à Kfar Barachi. Bien que tisserand de profession, en Israël il ne travailla pas comme rabbin mais comme maçon et tailleur de pierre. Il créa l’organisation nationale des Juifs du Kurdistan. Zaccaria Barachi fut élu au prestigieux rang de Notable de Jérusalem en 1980. De son vivant, il écrivit un livre sur le Zohar et un ouvrage de commentaires et de nouveautés sur les chapitres hebdomadaires de la Tora. Ces textes ne furent publiés qu’après sa mort.

Quant à Shmouel Barouh, il naquit en 1898 à Zako et décéda en 1994. Il immigra en Israël en 1925 avec 10 autres familles kurdes. Arrivé à Jérusalem, il fut un des fondateur du quartier ‘’Zihon Yosef’’ près du marché Mahané Yéhouda. Un an après son émigration, Shmouel Barouh retourna dans sa ville natale pour tenter de convaincre d’autres familles de monter en Israël. Sous le mandat britannique, il parvint avec l’aide de l’Agence Juive à obtenir des permis d’immigration pour 25 familles de rabbins. Lors de la grande alya, Barachi œuvra pour concentrer ces concitoyens à Jérusalem. Il créa la Hévra Kadisha kurde. Jusqu’à son dernier jour, il continua à guider sa communauté, à célébrer des mariages et à circoncire bénévolement. En 1969, il devient lui aussi Notable de Jérusalem. Il publia un livre titré ‘’Les goûts des commandements’’ contenant des poèmes et des complaintes kurdes.


Noémie Grynberg 2008