La mode végétalienne à la conquête d’Israel

Vegetarisme

Voilà plusieurs années qu’écologistes, nutritionnistes, naturopathes, médecins, coachs alimentaires et santé nous alertent sur les méfaits de la malbouffe et de la nourriture industrielle. De plus, avec l’avancée de la cause animale, manger de la viande devient presque suspect. Même en Israel, pays où le barbecue reste roi, la nouvelle tendance du végétalisme gagne peu à peu du terrain.

Les végétaliens ne renoncent pas seulement à viande, ils s’abstiennent aussi de tout produit animal dérivé comme le lait, les œufs, le miel. Mais le végétalisme ne s’arrête pas à l’assiette. Il défend une véritable philosophie et un mode de vie respectueux de la nature animale. Ainsi on le retrouve également dans la mode (vêtements et accessoires sans fourrure ni cuir) ou dans la cosmétique (produits non testés sur animaux).

Pour les adeptes du végétalisme, ce type de comportement a depuis longtemps dépassé le stade de la simple tendance pour devenir une aptitude affirmée. En Israël, environ 10% de la population se dit végétarienne, nombre en croissance constante. Aussi, les produits bio et naturels se vendent-ils de plus en plus dans les supermarchés, spécialisés ou non. Les substituts de viande, comme les escalopes végétariennes surgelées, prennent davantage d’espace dans les réfrigérateurs. En fait, tout ce que contient aujourd’hui un frigo lambda ne se trouvera pas chez le végétalien : conserves, fromage, viande, poisson.

Mais ce régime est-il sain ? Globalement, l’ensemble des professionnels santé conseille d’éviter la nourriture industrielle, les graisses saturées, la margarine, le sel et le sucre. Au-delà des recommandations bien-être, la prise de conscience vise à vis de ce mode alimentaire augmente principalement en cas de surpoids ou de maladie qui nécessite un changement de style de vie. Cependant, le phénomène veggy reste plutôt urbain et élitiste, touche surtout les classes aisées et les bobos. En outre, il semble davantage attirer les femmes que les hommes.

Un marché en constante progression

Alors que les détaillants de l’alimentation remplissent leurs étagères de produits santé, des chaînes de café, restaurants et cantines scolaires adaptent elles aussi leurs menus aux consommateurs qui exigent de plus en plus de plats végétaliens. Depuis mi-2011, certains établissements ont constaté une augmentation de 30 à 40% des ces demandes. Des dizaines de restaurants végétaliens s’ouvrent à travers le pays et davantage d’offres culinaires répondent à la requête des consommateurs. Certains Chefs locaux surfent sur la tendance et proposent des menus adaptés. Dans 25% des restaurants gastronomiques et 20% de l’ensemble des restaurants israéliens, les végétaliens trouvent au moins un plat leur correspondant. Ainsi, un des bistrots les plus connus de Tel Aviv, le "Ninotchka’’, a annoncé en février 2013 qu’il changeait sa carte pour proposer un menu totalement végétalien. Dans les gargotes, les adeptes du veggy ne sont pas les seuls à commander ces types de plats. Les clients aiment gouter ces mets perçus comme « sains ». De plus, il n’y aurait aucune différence de prix entre assiette végétalienne et traditionnelle.

Selon les professionnels, le mode de vie végétalien réduirait même le prix du panier de la ménagère de 30% à 50%, voire plus, du fait que le régime se base pour la plupart sur les légumineuses, moins chères que la majorité des aliments. Même chose pour les fruits et légumes qui représentent 50% de la consommation veggy. Le végétalisme se fonde donc sur des aliments frais. Ce qui implique des achats en petites quantités, d’où plus de visites au supermarché. Par contre, les produits bios (pas indispensables), les fruits secs et les noix sont effectivement plus chers que la viande ou le poisson.

Comme les végétaliens préfèrent le « lait » végétal au lait animal – 83% pour celui de soja, 11% pour celui de riz et 6% pour les autres (avoine, amande, etc.) – la consommation annuelle de ces produits est en pleine expansion : 17% pour le premier, 45% pour le second et 78% pour le troisième ! En 2011, ce marché s’élevait à 62 millions de shekels soit une augmentation de 11% par rapport à l’année précédente.

Israel en mode végétalien

En Israel, l’association Vegan Friendly et son site internet a pour vocation de promouvoir le végétalisme. Mais culturellement, le pays semble déjà pencher en sa faveur : légumes et fruits représentent une part importante de la nutrition de la plupart des habitants. De plus, les lois alimentaires juives qui interdisent de mélanger viande et produits laitiers a conduit à consommer de façon généralisée des desserts et des sauces sans lait animal.

Toutefois, l’alimentation sans produit animal a aussi gagné du terrain grâce à l’émission de télévision « Haah hagadol », à laquelle a participé Tal Gilboa, activiste végétalienne, qui a remporté la finale. Par ailleurs, le Festival Végétalien devient une mode à Tel-Aviv où il a le plus de fans. Quant à Facebook, il connait lui aussi un boum des communautés virtuelles israéliennes dédiées aux végétaliens. En 2012, un petit groupe de militants radicaux, du nom de «Vie 269 », a émergé de l’ombre. Leurs actions sont largement suivies sur Internet.

En juin 2013, la tendance a également conquis les couloirs de la Knesset avec un projet de loi (des députés Tamar Zandberg de Meretz et Arié Deri de Shass) proposant que les entreprises soient obligées d’offrir à leurs employés des menus végétaliens complets. Même l’armée procure dorénavant aux soldats des bottes qui ne sont pas faites en cuir et alloue un petit pécule à ceux désirant manger veggy.

Pourtant, tout n’est pas rose du côté de la cause animale. En Israël, « il est intéressant de noter que les végétaliens partagent souvent la culture hippie ou hindoue, alors même qu’ils utilisent un discours agressif qui préfère l’activisme violent », constate Rafi Grosglik, sociologue de l’alimentation à l’Université de Tel Aviv. Ce qui n’empêche pas le mouvement veggy de continuer sa progression, comme le confirment les tendances depuis 2 ans.


Noémie Grynberg / Israel Magasine 2015