Egalité hommes/femmes : Israel peut mieux faire

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La Journée Internationale de la Femme, célébrée chaque année le 8 mars, est l’occasion de faire un état des lieux concernant la parité homme/femme en Israel. Constat.

En Israël, la ségrégation des sexes dans la société civile en général – université, sphère publique, pouvoir, entreprise, justice – perdure.

C’est ce qu’a constaté le rapport 2014 du Centre Adva pour l’égalité et la justice sociale en Israel, publié fin 2015. Le document montre que les écarts de salaires mensuel et horaire entre les femmes et les hommes sur le marché du travail reflètent les inégalités dans la division sexuée du travail.

En effet, le salaire mensuel moyen des Israéliennes se situe à 67% de celui des Israéliens et à moins 16% du salaire horaire de leurs collègues masculins. Cette disparité n’est pas différente de celle des pays de l’OCDE et se place dans la moyenne.

Plusieurs raisons expliquent une part importante de ces inégalités de traitement. Au premier rang, la distinction professionnelle selon le genre, à savoir le phénomène de différenciation et d’évaluation des métiers dits ou perçus comme masculins ou féminins. Ce qui implique que femmes et hommes se concentrent dans des professions distinctes, issues de modèles d’éducation différents. Ainsi on retrouve nombres de femmes dans les métiers de niveau hiérarchique souvent limité : employées, secrétaires, professions intermédiaires de la santé, du travail social et de l’enseignement. Dans ces secteurs où elles dominent, les niveaux de salaires s’avèrent plus faibles. A l’inverse, on voit les femmes peu nombreuses parmi les ouvriers, les chauffeurs, les policiers, les militaires ou aux fonctions hiérarchiquement élevées : chefs d’entreprise, ingénieurs et cadres techniques d’entreprise. En Israel, elles sont 36% à occuper des postes supérieurs, 44% à travailler dans le droit et 36% dans le hi-Tech.

Les disparités salariales reflètent aussi les différences dans la répartition horaire. En moyenne, les hommes travaillent environ 9 heures de plus par semaine que les femmes car souvent celles-ci occupent des emplois à temps partiel. De plus, le marché du travail reste encore largement conçu selon des normes masculines (longues journées continues de travail, heures non flexibles, tenue de réunions et de conférences en soirée) qui entravent l’intégration des femmes à part égale car elles doivent jongler entre travail, garde d’enfant et entretien de la maison, tâches encore amplement perçues comme leur étant dévolues. En outre, le fait d’avoir un enfant dans les premières années de vie active pèse essentiellement sur la situation professionnelle des jeunes mères. Alors que les hommes travaillent très largement à temps plein quel que soit leur nombre d’enfants, celui-ci tend à diminuer en fonction du nombre d’enfants pour les femmes. Cependant, le nombre de femmes au foyer ou travaillant à temps partiel a légèrement baissé en 2014.

Ces deux facteurs conduisent à une discrimination supplémentaire basée sur les stéréotypes de genre : les préjugés des employeurs en ce qui concerne la capacité professionnelle et la volonté de travail des femmes. Les décisionnaires, majoritairement mâles, leur prêtent soi-disant moins de capacité de négociation. Du fait de ces préconçus sexistes, les hommes ont tendance à demander un salaire plus élevé, les femmes à privilégier la sécurité d’emploi.

Les iniquités ne s’arrêtent pas là. Selon l’index 2015 de l’Institut Van Leer de Jérusalem, les autres champs d’inégalités entre les sexes en Israël se situent également en haut de l’échelle.

Exemple d’asymétrie flagrante : l’université où les femmes ne représentent que 28% du corps professoral et 15% du personnel académique de haut niveau. Une des raisons est l’obligation de faire un post-doctorat à l’étranger. Malheureusement, beaucoup de femmes s’arrêtent à ce stade de leur ascenssion en raison de la difficulté à transférer leur famille à l’étranger et à amputer la carrière de leur conjoint. Alors que la société excuse volontiers les hommes qui déracinent leurs familles pour le bon développement de leur promotion, pour les épouses, la situation semble complètement opposée. Pour inverser cette réalité et encourager une vraie égalité des sexes dans le milieu académique, les femmes doivent d’abord changer leur approche et persévérer dans leur formation postdoctorale.

Autre bastion du pouvoir non partagé : la politique où la gente féminine reste encore largement minoritaire, que ce soit en tant que ministre, députée ou conseillère régionale.

Au niveau social aussi, les femmes se voient discriminées : elles sont près de 6,5% de plus que les hommes à percevoir une aide de l’Assurance nationale (Bituah Leumi). Elles s’avèrent de même 8 fois plus nombreuses que les pères à la tête de famille monoparentale. Enfin les femmes sont encore les principales victimes des violences familiales. Néanmoins, le nombre de plaintes à la police et de dossiers clos pour manque de preuve a baissé. La proportion de femmes soignées dans des centres sociaux aussi. Par contre, la quantité de dossiers de délits sexuels envers les femmes traitée par la justice a augmenté.

En conclusion, malgré les discours et les tentatives pour éradiquer l’inégalité des sexes en Israel, celle-ci persiste. Le chemin vers la parité parait un vœu pieux. L’écart entre les genres reste encore grand : 59%, notamment concernant le pouvoir, le marché du travail et les secteurs d’emploi. Pourtant, en une décennie, les disparités hommes/femmes ont globalement baissé de 4,4% pour la majorité des indicateurs, sauf concernant l’éducation, l’orientation professionnelle et la violence envers les femmes. A ce rythme, il faudrait attendre 80 ans pour combler l’écart ! Quant à résoudre la question des disparités salariales entre hommes et femmes, cela nécessite d’abord de reconnaître le problème et de promouvoir la transparence des données ensuite. L’égalité des genres nécessite donc une réflexion de fond qui engage l’ensemble de la société et de ses institutions.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2016