Droit international : Israël et ses territoires – la construction de 400 hectares en Judée Samarie

Alon Shvut

Le territoire, défini par des frontières, est en droit international l’un des éléments constitutifs de l’État. Celui-ci applique sur son sol un monopole similaire à celui du propriétaire sur une chose. Le territoire se voit donc comparable à une propriété privée d’un pays c’est-à-dire un espace intérieur dans lequel il exerce son empire. Alors pourquoi celui d’Israël est-il remis en cause à propos de la Judée Samarie ?

Le territoire représente la base de compétence de l’État. Son principe de souveraineté a longtemps défini le fondement du rapport qu’un pouvoir exécutif établit avec son sol, qu’elle qu’en soit l’échelle. Car il n’y a aucune convention internationale de répartition équitable des terres entre petits et grands pays. L’autorité nationale a donc pour but d’assurer l’unité pérenne d’une nation afin que s’y appliquent les prérogatives gouvernementales. Au sein de cet espace, la population se voit soumise à la même éducation, à la même culture pour y créer un univers de cohésion. Le territoire engendre ainsi une société juridiquement homogène et joue un rôle important dans le sentiment d’unité nationale. La frontière permet de la sorte à l’État d’ancrer les populations qu’il contrôle ou/et de les protéger des agressions adverses sur un espace donné. Elle distingue l’intérieur d’un pays de ce qui lui est extérieur.

Dans le concert des Nations, Israel semble un cas particulier en ceci que sa souveraineté territoriale donc la limite de ses frontières se voit régulièrement mise en cause, lui conférant ainsi un statut illégitime. Or une des prérogatives régaliennes d’un Etat consiste bien à définir ses propres contours qui découlent soit d’un fait historique, soit de données géographiques, soit de conquêtes militaires, soit de traités diplomatiques. Délimiter l’espace interne d’un pays s’avère par conséquent l’apanage d’un gouvernement indépendant et souverain. C’est ce qu’a fait fin aout le cabinet Netanyahu en déclarant son intention de rattacher 400 hectares de Judée Samarie au territoire de l’Etat. S’appuyant sur une loi ottomane du 19e siècle encore en vigueur dans le droit israélien actuel, l’Etat peut récupérer des terres non occupées et non cultivées. C’est pourquoi le ministre de la Défense, Moshé Yaalon (Likoud), a décidé de les transformer en ville nouvelle. Le ministre du Logement, Uri Ariel (Habayit hayéhoudi), prévoirait de créer 15.000 habitations à Gvaot, quartier de la localité d’Alon Shvout située dans le Conseil Régional du Gush Etzion. Au sud de Bethléem, il représente un avant-poste stratégique sur la route reliant la Judée à Beit Shemesh et à la plaine de la Shféla. La redéfinition officielle du statut de ce périmètre constitue la réponse politique israélienne à l’enlèvement et à l’assassinat par le Hamas de Hébron en juin dernier des trois adolescents. Pour le Ministre de l’économie Naftali Bennett (Habayit hayéhoudi), « Cette décision constitue un acte de sionisme. Construire est notre réponse au meurtre

La ligne verte de 1949

Depuis l’accord intérimaire d’Oslo II, signé par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat à la Maison Blanche en 1995 (sous l’observation de l’UE), la Judée Samarie se partage temporairement en trois zones sécuritaires : la A (3%) où les Palestiniens bénéficient du plein contrôle, la B (24%) où existe un contrôle conjoint israélien et palestinien concernant la sécurité mais le plein contrôle civil palestinien, et la C (73%) où Israël possède le contrôle militaire et civil complet ainsi que le pouvoir de zonage et de planification, notamment de construction. A l’intérieure de la zone C, la région peut être divisée en trois catégories juridiques : les terres de l’État, les terres privées et celles dont l’appartenance reste à déterminer. Selon les accords d’Oslo originaux, Israël est en droit de développer les zones qu’il contrôle et de conserver les localités juives. En effet, la Résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU, rédigé après la guerre des Six-Jours, n’a jamais envisagé un retrait israélien complet, au-delà des lignes d’avant 1967 en tout cas. Justement, les 400 hectares en question récemment déclarés comme terres de l’État se situent dans la zone C, dans le Gush Etzion, au sud de Jérusalem, un des groupes d’implantations les moins controversés lors des négociations passées. D’ailleurs en 2004, l’ancien Président américain Georges W. Bush avait assuré au Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, qu’Israel pouvait conserver ces blocs de constructions qui ne représentent que 5% du territoire de Judée-Samarie. Même ton dans les communications diplomatiques du Président Obama en 2011 à propos de l’évolution démographique juive sur le terrain et des rectifications à propos des lignes de cessez-le-feu de 1967.

La confusion des territoires

Le débat sur l’« annexion » des 400 hectares en Judée découle de la nature de ces terres : à l’Etat, privées ou en déshérence. Certains prétendent que leur statut final reste à définir par le biais de négociations. D’autres, qu’elles appartiennent de toute façon à la zone C à laquelle la Cour suprême israélienne reconnait la légalité des constructions. L’État hébreu rappelle, lui, qu’aucun traité de paix n’a établi de définition légale sur ces aires. Il ne s’agit donc pas de « territoires occupés annexés » mais de terrains non privés reliés géographiquement à Israel, susceptibles de changer de statut juridique. Ce rattachement constitue une continuité territoriale entre la Ligne verte et les localités de Beitar Illit et de Kfar Etsion. Quoi qu’il en soit, historiquement, le peuple juif a été assuré de droits nationaux sur ces territoires, pas seulement par la force de sa souveraineté passée mais selon les droits résiduels inscrits dans le mandat de la feu Société des Nations. Jamais annulés, ils ont été conservés dans l’article 80 de la Charte des Nations Unies, garantissant aux Juifs le maintien de leurs prérogatives dans cette région.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2014