Willem Einthoven, inventeur du l’électrocardiogramme

Willem Einthoven

Au début du XXe siècle, Willem Einthoven crée le galvanomètre à cordes, l’un des premiers instruments capable de détecter et d’enregistrer les faibles courants électriques produits par le cœur humain. Cet appareil innovant est l’équivalent du premier électrocardiographe permettant une représentation graphique de l’activité cardio-électrique.

Les cardiaques du monde entier doivent beaucoup à Willem Einthoven. En effet, celui-ci a consacré sa carrière à l’approfondissement des mécanismes de l’électrophysiologie. Sa persévérance a légitimé le fondement et l’utilisation clinique précise de l’électrocardiographe moderne pour distinguer les différents troubles du rythme cardiaque. Grâce cette innovation fiable, de nombreux chercheurs ont commencé à étudier les fonctions et les maladies du muscle du cœur. Depuis, l’ECG s’est confirmé comme l’une des inventions médicales les plus importantes de tous les temps. Aussi, le laboratoire de Willem Einthoven est-il devenu un lieu de pèlerinage, visité par des scientifiques de toute la planète.

Les ancêtres juifs de la famille Einthoven ont probablement émigré d’Espagne aux Pays-Bas au 15e siècle pendant l’Inquisition. De là, ils ont émigré vers les colonies des Indes néerlandaises. La tradition familiale d’étudier la médecine commence avec le grand-père, suivi par le père, médecin de l’armée des Indes. Aussi en 1860, Willem, troisième enfant d’une fratrie de six, nait-il sur l’île de Java, (l’actuelle Indonésie).

Suite à la mort du père, la famille retourne en Hollande et s’installe à Utrecht. Willem a 10 ans.

Un jour, pratiquant la gymnastique, son sport favori, le garçon trébuche et tombe. Résultat : une fracture du poignet qui l’empêche de toute activité physique soutenue pendant plusieurs mois. Einthoven, précoce et curieux, fait alors bon usage de sa convalescence pour étudier les mouvements de la main, les fonctions de l’épaule et du coude et se prend lui-même comme cobaye.

Après avoir fini l’école secondaire, le jeune homme entre en 1878 à l’Université d’Utrecht comme étudiant en médecine dans l’intention de suivre les traces de son père. Il s’oriente vers la physiologique. En 1885-1886, Willem Einthoven, devenu médecin généraliste, est nommé professeur de physiologie à l’Université de Leyde où il enseignera jusqu’à sa mort. Jusqu’en 1889, il consacre ses études au mécanisme respiratoire. Sa première recherche importante sur la fonction des muscles bronchiques et sur l’asthme nerveux est publiée en 1892. A cette période, le médecin commence également son observation en optique et écrit jusqu’en 1908 plusieurs articles dans ce domaine. Ainsi très tôt dans sa carrière, Einthoven fait d’importantes contributions à la science médicale, en particulier dans les champs de la vision et de la respiration. Mais à l’époque, l’étude du cœur humain reste encore très peu développée. Quand Einthoven se met à étudier les battements de l’organe et à les enregistrer avec précision à l’aide d’un électromètre, il enquête sur les principes théoriques de cet instrument. L’insuffisance du dispositif le pousse à prospecter comment obtenir la stabilité nécessaire et corriger mathématiquement les erreurs des résultats dues à l’inertie de l’appareil. Car celui-ci doit être affiné afin de le rendre utilisable pour les praticiens. Avec de nombreux élèves et chercheurs, Einthoven explore le mécanisme sous tous ses aspects. Cela prend trois ans de travail laborieux au bout desquels un galvanomètre à corde qui ne comporte pas ces inconvénients est conçu ; un outil incomparable dans sa capacité d’adaptation et sa rapidité d’ajustement. Pouvant être employé en médecine comme en technologie, le procédé se compose d’un filament de quartz revêtu d’une mince couche d’argent qui passe entre deux électro-aimants. Un courant électrique traverse le filament qui produit un mouvement amplifié et enregistré traçant une courbe. Le galvanomètre à cordes permet une lecture de qualité supérieure à celle de son précurseur, l’électromètre. Einthoven atteint par là une telle perfection technique et de qualité d’enregistrement que de nombreux électrocardiographes modernes n’atteignent pas. En 1893, le médecin utilise pour la 1e fois  lors d‘une réunion de la Deutsch Medical Association le terme d’"électrocardiogramme " pour l’interprétation transthoracique de l’activité électrique du cœur sur une période donnée, détectée par des électrodes fixées à la surface de la peau et enregistrées par un dispositif externe. En 1895, le physiologiste met en évidence sur le tracé électro-cardiographique cinq ondes qu’il nomme respectivement P, Q, R, S, T. Elles correspondent aux diverses phases de contraction du muscle. Cette recherche dans le champ de la physiologie cardiovasculaire vaut à son auteur le prix Nobel de médecine en 1924. Ainsi, même s’ils sont depuis remplacés par des modèles portables se basant sur des techniques d’amplification radio (Einthoven s’est toujours méfié de l’utilisation de condensateurs, craignant la distorsion des courbes), les électrocardiogrammes du galvanomètre restent encore la norme de référence dans de nombreux cas à ce jour.

Einthoven devient membre de l’Académie royale néerlandaise des sciences. Il y prend souvent lui-même part aux débats et aux conférences.

Dans les dernières années de sa vie, le médecin s’intéresse en prime aux problèmes d’acoustique. La découverte du phonographe en 1923 sera le résultat de ses investigations.

Par ailleurs, comme dans son jeune âge, Einthoven croit beaucoup dans l’activité physique. Grand sportif, il exhorte ses collègues à "ne pas laisser le corps périr’’. Lui-même est Président de l’Union de gymnastique et d’escrime. Etudiant, il a même été l’un des fondateurs du Club universitaire d’aviron d’Utrecht.

Le 29 septembre 1927, à l’âge de 67 ans, Willem Einthoven meurt d’un cancer de l’abdomen, après de longues souffrances. Il est enterré près de Leyde, dans un cimetière d’Oegstgeest, au bord de la Mer du Nord.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2014