Simha Blass : l’homme qui a fait refleurir les déserts

Irrigation

Fidèle à la promesse divine, l’esprit sioniste s’est mis en tête de faire refleurir le désert d’Israël. C’est à l’ingénieur Simha Blass que revient l’immense mérite d’avoir réalisé cette prophétie biblique, au-delà même des frontières de l’Etat hébreu.

Simha Blass nait en 1897 à Varsovie, en Pologne, dans une illustre famille de rabbins descendant du Gaon de Vilna. Il est le second d’une famille de 5 enfants. Jeune, il reçoit une éducation religieuse aussi bien que laïque. Assez tôt, le garçon développe un fort intérêt pour l’ingénierie. A 17 ans, il commence ses études supérieures à l’institut technique de Varsovie. Mais Simha Blass est contraint de s’engager dans l’armée nationale fin 1918, à la proclamation de la Seconde République de Pologne. Lors de la guerre polono-soviétique qui s’ensuit, il est emprisonné comme beaucoup de soldats juifs, sous prétexte d’alliance avec les communistes. Au bout de 3 semaines, le jeune homme est libéré. Il termine ses études et obtient son diplôme d’ingénieur. En 1927, il décide d’aller s’installer dans le foyer national juif de Palestine.

Dans un premier temps, Blass s’intéresse à l’outillage permettant la plantation de blé dans lequel il voit une des clés de l’autosuffisance pour les implantations juives de Palestine. Mais son projet est rejeté pour des raisons économiques. Blass prend alors conscience que le véritable barrage au développement agricole reste le manque d’approvisionnement en eau. Il décide ainsi de s’occuper d’ingénierie hydraulique, d’abord à une échelle réduite. En 1930, il s’établit dans une petite localité agricole de Galilée, sur les bords du Lac de Tibériade : Deganyah Bet. Il sert de consultant en irrigation à plusieurs petites communautés alentours pour installer des pompes sur la rivière du Jourdain. L’ingénieur s’enthousiasme pour ce défi. Cette passion l’accompagnera tout au long de sa carrière car pour lui, l’approvisionnement en eau représente l’essence su sionisme.

Blass fonde à Tel-Aviv sa société d’ingénierie hydraulique. Pendant les 30 années à venir, il devient l’un des acteurs clés de la planification et de la construction des projets hydrauliques d’Israël.

A partir de 1939, le spécialiste élabore plusieurs idées d’acheminement de l’eau vers le Néguev. Blass étudie un plan d’utilisation maximale de toutes les ressources disponibles, plan qui consiste à organiser un réseau interconnecté d’adduction d’eau à l’intérieur du pays : l’aqueduc national. Ignorant souvent les principes techniques bien établies afin de créer ce qu’il appelle un ‘’pipeline sioniste’’, Blass présente en 1943, le premier modèle détaillant les possibilités de transférer l’eau du nord du pays vers le Néguev. Ainsi de nos jours en Israël, la majorité de l’approvisionnement en eau est basée sur son initiative.

Pendant la guerre d’Indépendance, l’ingénieur se consacre à la fabrication de divers armements : lances-flammes, armes antitanks, mortiers, mines, etc. C’est également lui qui s’occupe de la  provision en eau de Jérusalem alors assiégée.

Suite à ces succès, Simha Blass est successivement désigné comme Directeur du département de l’eau au Ministère de l’Agriculture, puis comme Directeur de Tahal (Tichman Hamayin L’Israël) lors de sa création en 1952. En 1958, le Technion de Haïfa le nomme Docteur Honoris Causa.

Simcha Blass décède en 1982, à Tel-Aviv.

La révolution israélienne dans l’irrigation

L’une des innovations agro-technologiques les plus importantes de Simha Blass, alors ingénieur des Eaux et Forêts, reste probablement l’invention de l’irrigation au goutte-à-goutte au début des années soixante. Le principe technique est extrêmement simple : une conduite principale sous faible pression alimente uniformément plusieurs lignes secondaires disposées au fond de rigoles ou à même le sol au pied des végétaux. Les mini-tuyaux possèdent des embouts calibrés réglant la quantité et les débits d’eau requis. La mise au point de distributeurs de compensation donne une irrigation homogène même sur des pentes prononcées ou sur des distances importantes, parfois de plusieurs kilomètres. Cette forme d’arrosage permet des cultures d’arbres fruitiers, de légumes ou de fleurs même en milieu infertile. Ce fameux procédé est produit de manière industrielle dès 1965 par la société Netafim, installée au Kibboutz Hatzérim dans le Néguev. Aujourd’hui Netafim exporte 92 % de sa production et calcule son chiffre d’affaires en millions de dollars.

L’aspersion au goutte-à-goutte présente de nombreux avantages par rapport aux autres méthodes. L’évaporation est réduite au minimum puisque l’eau est directement apportée au pied de chaque pousse, à proximité des racines qui l’absorbent immédiatement. L’absence de contact entre l’eau et les feuilles évite la dégradation de ces dernières. Des engrais peuvent être ajoutés à la plante en même temps que l’eau. Les sols sableux, qui ne peuvent être arrosés par sillon ou par inondation, sont efficacement irrigués de cette manière. Cette technique révolutionnaire permet aussi l’utilisation soit d’eaux salées, soit d’eaux résiduaires urbaines ou industrielles contenant des composants organiques ou chimiques, soit d’eaux usées à peine traitées.

Adopté par près de trois-quarts des agriculteurs israéliens, ce mécanisme a permis de réduire de 40 à 50 % le volume d’eau utilisé lors d’un arrosage classique. Le goutte-à-goutte apparaît donc comme la méthode d’irrigation la plus efficace en termes d’économie d’eau. Parallèlement, les récoltes ont augmenté dans certains cas de près de 300%. Et surtout, ce système de micro-irrigation a permis à Israël de faire fleurir le désert.

A l’heure actuelle, on trouve cette géniale invention dans 109 pays, dont la Chine, l’Inde, l’Australie, l’Amérique du Nord et du Sud et de nombreuses contrées africaines, notamment dans les zones arides. L’irrigation au goutte-à-goutte devrait permettre aux pays émergeants d’aspirer à l’autosuffisance alimentaire tout en augmentant leur production agricole, œuvrant ainsi à la lutte contre la pauvreté.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2010