Samuel David Camillo Olivetti : inventeur de la première machine à écrire

Olivetti

Samuel David Camillo Olivetti, ingénieur, dessinateur industriel et entrepreneur italien, est le fondateur de la société qui porte son nom. Philanthrope, il affiche clairement ses idées socialistes. S’éloignant peu à peu de ses origines, il sera finalement rattrapé par l’Histoire.

En 1868, Camillo Olivetti voit le jour à Ivrea, petit village au nord-ouest de l’Italie, à environ 50 km de Turin, dans le Piémont. Sa famille, aisée et bien intégrée, semble probablement venue d’Espagne au XVIIe siècle.

En 1891, le jeune homme sort diplômé en ingénierie industrielle de l’Ecole royale de l’industrie de Turin (Polytechnique). Mais la perspective de vivre confortablement de la gestion de ses domaines dans le Canavais ne correspond pas au tempérament de Camillo. A 23 ans, il poursuit donc ses études à Londres, perfectionne son anglais et commence ainsi sa carrière dans l’industrie anglo-saxonne. C’est aussi en Grande-Bretagne qu’il rejoint le Parti socialiste.

En 1893, Camillo Olivetti participe au «Congrès sur l’électricité» à Chicago. Aux Etats-Unis, il suit pendant un an des cours de physique à l’Université Stanford.

Revenu en Italie, Olivetti décide de fonder dans sa ville natale, une société d’ingénierie qui produit des instruments de mesure électrotechnique. En 1903, sa petite usine s’installe à Milan. Les équipes d’Olivetti commencent à travailler sur ce qui deviendra la première machine à écrire, baptisée le «clavecin du scribe». Une vingtaine d’ouvriers, presque tous agriculteurs d’origine, est formée par Olivetti lui-même au métier d’électricien. En 1907, de retour à Ivrea, l’industriel crée "C. Olivetti Ing. & Co", premier fabricant italien de machines à écrire. L’appareil se compose de quatre rangées de touches avec un mécanisme simple de déplacement chariot monté sur roulements à billes et d’un ruban à encre. Le clavier dispose de 42 touches qui écrivent 84 caractères. Transportable, l’engin peut se glisser dans une mallette. L’invention est présentée au grand public lors de l’Exposition universelle de Turin en 1911. Cent machines sont immédiatement retenues par le Ministère de la marine. L’année suivante, celui des PTT passe lui aussi commande.

La première décennie Olivetti marque une expansion majeure de la marque qui ouvre des succursales à Milan, Gênes, Rome et Naples. En 1914, 100 ouvriers assurent la production de quatre machines par jour.

L’ingénieur décide de ne pas déléguer la vente des machines à des revendeurs mais de mettre en œuvre un marketing et une assistance directe dont il est le principal instigateur. Il se rend personnellement chez ses clients et remplace souvent le mécanicien responsable des réparations.

Soucieuse du stylisme autant que de la performance technique, l’entreprise a recours à des designers pour la conception de ses produits, leur publicité et même l’architecture de ses bâtiments (usines, magasins).

En 1915, après l’entrée en guerre de l’Italie lors du Premier conflit mondiale, la société Olivetti oriente largement sa production vers l’effort de guerre, à savoir, la fabrication de fusées d’artillerie et d’équipements aéronautiques.

Après la guerre, l’usine reprend sa production de machines à écrire. En 1922, la prise du pouvoir par les fascistes contrarie les idéaux socialistes de l’industriel mais ne l’inquiète pas en tant que Juif.

En 1925, calquée sur le modèle économique américain, la compagnie subit une réorganisation complète qui rationalise et modernise les opérations.

L’année suivante, Olivetti crée son usine de production de machines-outils : perceuses, fraiseuses, meuleuses et machines spéciales pour la fabrication de pièces de machines à écrire.

En 1929, l’entrepreneur lance un processus de développement à l’international avec la création de deux filiales : une production en Espagne, à Barcelone, et une représentation commerciale en Argentine, à Buenos Aires. Parallèlement, la fabrication de machines à écrire passe d’environ 1.000 appareils par an à 13.000.

Dans les années trente, Olivetti s’engage à renforcer le réseau de distribution à l’étranger et à affermir la présence de l’entreprise sur le marché.

De plus, il développe encore de nouveaux produits tels que la calculatrice et le téléscripteur.

Finalement, en 1938, l’industriel passe la présidence de son entreprise à son fils et ne garde que la direction tout en continuant à suivre les activités et les développements de la production, du travail administratif et du commercial.

Mais en 1943, après l’arrivée des troupes nazies en Italie, Olivetti est contraint de quitter Ivrea, se réfugie à Biella et entre dans la clandestinité.

En mauvais état de santé, Camillo Olivetti meurt à l’hôpital fin 1943, à l’âge de 75 ans. Il est enterré au cimetière juif de Biella. Malgré l’occupation allemande et les restrictions imposées à la population, tous les anciens ouvriers de l’usine Olivetti viendront rendre un dernier hommage à leur patron bienfaiteur.

Un réformateur socialiste

Olivetti n’est pas simplement l’inventeur que l’on croit. À partir de 1908, celui-ci s’efforce de mettre en pratique ses idées socialistes en proposant à ses employés des conditions de travail et de vie sans aucune mesure avec les usages du temps. En 1932, il crée une fondation pour fournir une assistance à ses travailleurs. Il leur assure des indemnités et leur redistribue même une partie du profit de l’entreprise. En 1938, conformément à sa politique sociale et volontariste, l’ingénieur améliore encore ses services aux employés en leur offrant une cantine, des garderies, des camps d’été, des bibliothèques, des logements, etc. Ces initiatives particulièrement innovantes demeurent pratiquement sans précédent en Italie à l’époque.

Même en 1943, fidèle à ses idéaux, l’ancien patron écrit et publie dans la clandestinité une brochure dans laquelle il propose des réformes sociales, industrielles, économiques et financières. Jusqu’au bout, Olivetti n’aura pas été seulement qu’une marque mais un état d’esprit.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2013