Ferdinand Julius Cohn, fondateur de la bactériologie

Cohn

Moins célèbre que son contemporain Louis Pasteur, Ferdinand Julius Cohn est un naturaliste et botaniste allemand du XIXe siècle. Il est le premier à classer les bactéries en espèces, selon leur morphologie et leurs caractéristiques physiologiques. Par son sens aigu de l’observation, ses facultés de raisonnement et de réflexion, Ferdinand Julius Cohn fonde ainsi les bases d’une nouvelle science : la bactériologie moderne. Ses études précises et systématiques d’un certain nombre de types d’algues, de champignons et autres micro-organismes, gardent jusqu’à aujourd’hui une valeur pérenne.

Né en 1828 dans le ghetto de Breslau (Wroclaw), dans la province prussienne de Silésie (aujourd’hui en Pologne), Ferdinand Cohn est le premier des trois fils d’un commerçant juif. Rapidement, l’enfant se révèle précoce : il lit dès l’âge de deux ans et s’intéresse très jeune à l’histoire naturelle. A quatre ans, le garçonnet fréquente le primaire et en 1835, Ferdinand entre à l’école secondaire où il réussit très bien dans toutes les matières. Malheureusement, à l’âge de 10 ans, il est victime d’une déficience auditive qui ralentit son rythme d’apprentissage. Pour autant, à 14 ans, le jeune garçon est accepté à l’Université de Breslau où il développe un intérêt pour la botanique. Il y prépare un doctorat portant sur l’étude de la physiologie des semences et des plantes, dans laquelle il préconise la création de jardins botaniques, un vœu qu’il voit se réaliser en grande partie par ses propres efforts. Mais les lois anti-juives de l’académie locale l’empêchent de terminer sa thèse. Ferdinand Cohn part alors la soutenir à l’Université de Berlin où il l’obtient à 19 ans à peine. De 1850 à 1871, de retour dans sa ville natale, le biologiste enseigne comme professeur de botanique à l’Université de Breslau où il restera jusqu’à la fin de sa vie.

Les débuts d’une grande carrière

Ferdinand Cohn semble particulièrement attiré par les étonnants processus de fermentation et de coloration dus aux plus infimes formes de vie. Les premières recherches du scientifique initié à l’étude des micro-organismes, se concentrent sur les corps les plus élémentaires : les algues unicellulaires. Le biologiste observe au microscope toutes les phases de croissance et de développement de ces plantes minuscules, leur morphologie, et précise sa théorie sur les cellules. En 1855, Cohn parvient à établir l’existence d’un processus sexuels chez les algues pour lesquelles il engage des réformes dans leur classification.

En 1866, le savant fonde l’Institut de physiologie végétale à l’Université de Breslau, le premier du genre dans le monde.

Cohn poursuit son enquête sur la morphologie des champignons et les importants stades de la mycologie. Il contribue de façon importante aux travaux sur la nature du parasitisme des algues et des champignons. Vers 1868, parmi ses tâches les plus marquantes, le scientifique commence à étudier les bactéries. Cohn pense que ces micro-organismes font partie du monde végétal et considère leur étude comme une science à part entière. Par l’analyse microscopique, il découvre bientôt les propriétés de la formation et de la germination de la flore bactérienne de l’air, des granules de soufre et de l’oxyde de fer, ses formes et ses mouvements. Selon lui, l’eau serait également une source importante de maladies infectieuses des plantes et des animaux. En examinant leur origine bactérienne, le biologiste remarque que le protoplasma (substance vivante primaire, véritable usine à cellules) végétal et animal sont très semblables.

Cohn est aussi le premier à noter la résistance de ces cellules non pathogènes à des températures élevées. Il explique la réapparition rapide des bactéries alimentaires en spéculant que les spores thermorésistantes sont en mesure de survivre intactes au point d’ébullition, puis de revenir au stade normal de leur reproduction. Par ses observations, le savant est désormais en mesure de réfuter les hypothèses théoriques bactériologistes de la génération spontanée (abiogenèse) considérant que les bactéries bouillies sont tuées par la chaleur. Cette nouveauté constitue une avancée fondamentale dans le développement des techniques de stérilisation.

Entre 1869 et 1870, Ferdinand Julius Cohn écrit plusieurs ouvrages sur les insectes propageant des épidémies et détruisant les champignons ainsi que sur les maladies des plantes. Il donne par ailleurs des conférences en botanique agricole et conseille les agriculteurs sur le diagnostic et le traitement des phytopathologies causées par des infections fongiques.

En 1872, le biologiste devient directeur de son Institut de physiologie végétale. La même année, il publie la première classification précise et systématique des bactéries en genres et en espèces, nomenclature standardisée avec laquelle travaillent désormais les microbiologistes. Depuis lors, ces micro-organismes sont distingués des levures, des moisissures, ou des parasites.

Un savant passionné et prolifique

Au cours de sa longue carrière, Ferdinand Julius Cohn se passionne en outre pour des sujets aussi variés que la torsion des arbres, les cristaux protéiques de la pomme de terre, l’aldorovanda (espèce de plante aquatique carnivore), la rotatoria (petit animal multicellulaire), les vers luisants, la nature des trombes d’eau, les effets de la foudre ou la formation du travertin (roche sédimentaire calcaire). Le savant, écrivain prolifique, laisse derrière lui plus de 150 articles, essais et livres.

Cohn devient membre étranger de la Royal Society de Londres et reçoit en 1895 la médaille d’or de la Société Linnéenne, association des savants en histoire naturelle. De son vivant, il est reconnu comme le plus grand bactériologiste de son temps. Bien que Juif non pratiquant, le biologiste contribue à plusieurs associations communautaires.

Ferdinand Julius Cohn décède subitement à Breslau en 1898, à l’âge de 70 ans, des suites d’une crise cardiaque. Il est enterré dans la rangée d’honneur du cimetière juif de sa ville natale.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2012