Ernst David Bergmann, le père du programme nucléaire israélien

Ernst David Bergmann est un scientifique et chimiste israélien, souvent considéré comme le père du programme nucléaire national. Grace à lui, l’Etat hébreu est devenu le sixième pays à acquérir la puissance atomique.

Ernst David Bergmann nait à Karlsruhe en Allemagne en 1903. Il est le fils ainé du Rabbin Judah Bergmann.

En 1924, le jeune homme entre à l’Université de Berlin où il passe en 1927 son doctorat de chimie organique, avec grande distinction. Après son diplôme, Bergmann continue à travailler à l’université. A l’âge de 25 ans, sur la base d’études qu’il réalise en stéréochimie, il est nommé chargé de cours.

Le scientifique se montre exceptionnellement prolifique : entre 1928 et 1933, il publie plus de 72 articles et notes traitant d’une incroyable gamme de sujets. Ceux-ci vont des mécanismes de polymérisation (réaction de formation des chaînes macromoléculaires à partir d’entités plus légères) à l’isomérisation (transformation d’un composé chimique en isomère), à la réactivité des hydrocarbures insaturés, aux réactions de Grignard (synthèse de composés organiques donnant de l’alcool et des hydrocarbures), aux réarrangements moléculaires, etc.

En avril 1933, avec l’adoption de la loi qui interdit aux "non-Aryens" des emplois gouvernementaux en Allemagne, Bergmann est renvoyé de son poste universitaire.

Il part alors pour l’Angleterre et commence à travailler avec Haïm Weizmann à l’Université de Manchester. Mais finalement, Bergmann quitte l’Europe moins d’un an plus tard et arrive en Palestine le 1er janvier 1934. Il accepte l’offre de Weizmann, devenu entre-temps directeur scientifique de l’Institut de recherche Daniel Sieff de Rehovot (renommé Institut Weizmann en 1949), de superviser l’achèvement de la construction du nouveau centre.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le savant quitte l’Institut pour travailler sur des projets de défense pour les Français, les Anglais et les Américains. Après la guerre, Bergmann retourne au Centre duquel il devient directeur scientifique.

Au cours des années suivantes, le chimiste, rendu célèbre par son travail et son lien avec Weizmann, se lie intimement avec David Ben Gurion qui le nomme à plusieurs postes éminents : chef du département scientifique des forces de défense israéliennes en août 1948, Conseiller scientifique du ministre de la Défense en 1951 et directeur de la Division de la recherche et de l’infrastructure du ministère de la Défense début 1952. En juin de la même année, il est nommé premier Président de la Commission israélienne de l’énergie atomique (IAEC), dans laquelle il joue un rôle crucial dans la conduite du programme nucléaire national, en collaboration avec le ministre de la Défense d’alors, Shimon Peres. Il fournit les premiers conseils techniques dans ce domaine sensible. Mais son travail à l’IAEC reste secret et l’agence elle-même demeure inconnue du public jusqu’à ce que son existence soit révélée en 1954.

En 1952, le savant quitte donc l’Institut Weizmann pour devenir Président de la chaire de chimie organique à l’Université hébraïque de Jérusalem.

En 1964, après que Ben Gurion soit remplacé par Levi Eshkol à la tête du gouvernement, Bergmann propose de démissionner de l’IAEC mais on le convainc d’y rester deux ans de plus. Il se désiste finalement en tant que Président de la Commission de l’énergie atomique et de ses deux postes au ministère de la Défense le 1er avril 1966.

En 1968, après une carrière bien remplie au service de la Nation, Bergmann reçoit le prix Israël.

Il s’éteint le 6 avril 1975 à l’Hospital Hadassa de Jérusalem, à l’âge de 71 ans. Le président Ephraïm Katzir, qui a travaillé pendant des années avec lui à l’Institute Weizmann, l’a décrit comme « le plus grand scientifique d’Israël ».

Un scientifique dévoué au pays

Bien que la direction de l’Institut exigeât une grande partie de son énergie, Bergmann a continué à écrire régulièrement de nombreux papiers. En tout, plus de 500 articles scientifiques publiés dans des revues internationales, traitant une variété de sujets en chimie organique. Ainsi grâce à eux, en 1951, l’Etat juif figure parmi les pays ayant le plus haut taux de parutions dans ce domaine par rapport à sa population globale.

Bergmann se sentait surtout très impliqué dans sa mission de développer la science en Israël. Son engagement dans le nucléaire traduisait bien son idéal : le scientifique considérait la science comme le moyen qui permettrai à la Nation et au peuple juif de palier le nombre supérieur de ses ennemis, de se défendre et « d’éviter une autre Shoah ». « Ce savant d’une grande intelligence a vécu et travaillé pour le pays et seulement pour le pays » écrit Weizmann à son sujet.

Par ailleurs, le Professeur Bergmann était membre de l’Académie israélienne des sciences ; Président du Conseil national pour la recherche spatiale ; Président honoraire de la Société Israélienne de Chimie ; membre du Conseil national de la recherche et du développement, en plus d’être à la tête de la Commission de l’énergie atomique. Il a été vice-président de l’Université hébraïque jusque peu avant sa mort.

Plus que la légende d’un homme, la vie de Bergmann se confond ainsi avec l’histoire d’Israel.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2017