Aaron Temkin Beck, père de la thérapie cognitive

Fondateur du courant de psychothérapie cognitive, Aaron T. Beck a basé ses recherches sur la phénoménologie du fonctionnement psychique. Médecin américain internationalement reconnu, il a été classé comme l’un des 5 psychothérapeutes les plus influents de tous les temps.

Né en 1921 aux Etats-Unis, Aaron Temkin Beck grandit dans une famille d’émigrés Juifs ukrainiens. Sa mère se montre une orthodoxe très pratiquante alors que son père s’avoue un athée aux idées plutôt socialistes. Comme ses quatre frères et sœurs, Aaron, le benjamin, vit selon les règles religieuses très strictes de sa mère, tout en subissant l’influence de l’esprit libre-penseur de son père.

Très jeune, le garçon s’intéresse aux sciences ainsi qu’à la psychanalyse. En 1946, il obtient son diplôme de Docteur en Médecine de l’Université de Yale. Les deux années suivantes, il devient interne à l’Hôpital de Rhode Island (Providence) avant de se spécialiser en psychiatrie et en neurologie dans un hôpital du Massachusetts. Spécialisation qu’il décroche en 1953. Ensuite Aaron Beck passe un Diplôme de psychanalyse à l’Institut Psychanalytique de Philadelphie en 1956.

La révolution cognitive

Dans les années 1950, c’est en traitant par la psychanalyse des patients dépressifs qu’Aaron Beck remet en question le bien-fondé des hypothèses freudiennes jusqu’alors en vigueur dans le milieu médical. Par l’objectivité de son analyse précise et rigoureuse, il démantèle l’édifice psychanalytique lié à la dépression et à l’anxiété. Le médecin prouve qu’un traitement psychologique peut dépasser les résultats obtenus par les antidépresseurs. Ses théories font grand bruit et sont à l’époque généralement très mal reçues par ses collègues.

Etudiant et évaluant les résultats des différentes thérapies, Aaron Beck axe sa recherche dans le sens de l’efficacité et du bien-être du patient. Dans les années 1960, son travail le conduit à un abord phénoménologique du fonctionnement psychique. Il formule alors son concept de départ : les pensées automatiques. Son approche jette un regard neuf sur la psychopathologie des troubles émotionnels, en cherchant à identifier les anomalies dans la vision que le patient a de lui-même et du monde qui l’entoure, afin de pouvoir l’aider à les corriger. Ainsi, dans son ouvrage de référence, le médecin américain révèle sept pièges de la pensée qui rendent les individus particulièrement vulnérables à la dépression : avoir une vision tunnel ; afficher une représentation biaisée de la situation dans son ensemble ; amplifier des événements négatifs et amoindrir des événements positifs ou vice versa ; se blâmer automatiquement quand les choses tournent mal ; accuser les autres quand la situation se détériore, devenir une victime en colère ; tout simplifier et généraliser ; supposer savoir ce que l’autre personne pense. Par cette nomenclature, Aaron Beck définit la dépression comme étant le résultat de distorsions cognitives dans trois domaines majeurs : la  conscience de soi, la  conscience du monde et des autres, la notion d’avenir. Exemples du premier cas : "je ne vaux rien", "je ne suis pas à la hauteur". Idées du second groupe : "ce monde est pourri", "les gens sont égoïstes". Pensées du troisième ordre : "rien ne s’améliorera jamais", "c’est sans espoir". Chez une personne dépressive, ces expressions ne s’avèrent pas de simples paroles en l’air destinées à attirer l’attention. Elles correspondent à la véritable représentation mentale qu’elle se fait du monde et d’elle-même. Ainsi, ces 3 grands types de distorsions constituent ce que l’on appelle « la triade de Beck ». On peut les retrouver à des degrés divers chez tous les patients déprimés.

Les apports à la psychologie

Aaron Beck ne s’est jamais engagé dans des polémiques avec le monde de la psychanalyse. En revanche, avec son équipe, il a employé son temps à élaborer un nouveau modèle du fonctionnement et du dysfonctionnement du psychisme humain. Prenant soin d’éviter les dogmes, son approche reste pragmatique et repose sur l’étude d’un très grand nombre de cas. Aussi, dans la thérapie cognitive, le thérapeute collabore activement avec le patient pour l’aider à repérer la marche de ses cognitions, lui apprendre à les modifier et à les tester selon le bénéfice ou au contraire, le préjudice qu’il en a tiré. Ainsi s’effectue d’elle-même la synthèse entre le comportemental et le cognitif. Grâce à cette méthode, le traitement professionnel des troubles émotionnels se révèle principalement destiné non seulement au public des psychothérapeutes d’inspiration cognitivo-comportementale mais aussi à celui des psychanalystes et à ceux issus d’autres écoles, tant médecins que psychologues, cliniciens que chercheurs.

Ces dernières années, avec sa fille Judith, sa proche collaboratrice, Aaron Beck s’est employé à étudier la problématique de la violence.

En 2006, le psychiatre reçoit le prix Lasker (prix international récompensant des personnalités de la recherche médicale clinique et fondamentale, considéré comme l’antichambre du prix Nobel de médecine) pour l’ensemble de ses travaux.

Aujourd’hui, Aaron Beck est Professeur Emérite au département de psychiatrie de l’Université de Pennsylvanie où il a effectué la plupart de ses recherches sur la dépression et l’anxiété depuis cinquante ans.

A ce jour, le médecin américain a publié plus de 550 articles scientifiques et 18 livres. Il a développé des échelles d’évaluation couramment utilisés, sous forme de questionnaire à choix multiples ou d’auto-évaluation comme le Beck Depression Inventory (BDI) servant à déterminer la sévérité d’une dépression clinique ; le Beck Hopelessness Scale (BHS) conçu pour mesurer les trois aspects majeurs de la dépression chez les adultes ; le Beck Scale for Suicidal Ideation (BSS) estimant la gravité des idées suicidaires ; le Beck Anxiety Inventory (BAI) jaugeant le degré d’anxiété ; et le Beck Youth, sondant les déficiences affective et sociale des enfants et adolescents.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2016