Les Juifs de Belgique

Synagogue Lige

Dès 1830, le judaisme est reconnu au même titre que les autres religions pratiquées en Belgique.La petite communauté juive du royaume se monte aujourd’hui à 42.000 membres. Elle se divise, à l’image du pays, entre francophones et néerlandophones. La Wallonie compte 4 communautés : Liège, Charleroi, Arlon et Waterloo. La Flandre en compte 6 : 3 à Anvers, une à Gand, une à Knokke et une à Ostende. Enfin Bruxelles en compte également 6.

La communauté dispose d’un Consistoire central qui défend ses intérêts auprès des autorités civiles. Il se présente comme l’interlocuteur légal de l’État pour tout ce qui concerne la reconnaissance des communautés juives et la nomination de leurs rabbins. De plus, le Consistoire central soutient l’éducation juive, préserve le patrimoine juif (Musée juif de Belgique et Institut de la mémoire audiovisuelle juive) ; promeut l’étude de l’histoire du judaïsme belge par le biais de la Fondation de la Mémoire Contemporaine ; entretient la mémoire de la Shoah à travers le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance à Malines.

La communauté d’Anvers (15.000 membres), à l’inverse de celle de Bruxelles, est plutôt orthodoxe. Les Juifs y sont surtout spécialisés dans le diamant. Cette communauté très active dispose de journaux, d’écoles et d’une trentaine de synagogues sur les 45 que compte l’ensemble du pays.

Mais aujourd’hui, l’antisémitisme pousse de nombreux Juifs à quitter Anvers. Les jeunes surtout partent étudier – pour ne pas revenir – à Londres, New York ou en Israël où ”travailler avec une kippa ne pose aucun problème”. Par ailleurs, il devient plus difficile de trouver un travail à Anvers : la communauté juive qui a perdu sa position dominante dans le commerce des diamants face à certains pays émergeants, n’a en effet pas encore trouvé d’alternative économique. Selon certaines estimations, d’ici 50 ans, la ville ne comptera presque plus aucun Juif. Seuls y resteront peut-être quelques orthodoxes socialement défavorisés.

Enfin,face à la montée islamiste en Belgique, une partie de la communauté juive s’inquiète.

Monsieur Sally Zajfman, Président de l’OBI, l’Association des Originaires de Belgique en Israël, évoque le caractère particulier de la communauté juive de Belgique afin de comprendre la situation qu’elle traverse aujourd’hui tant bien que mal.

Quelle est la spécificité de la communauté juive de Belgique ?

Sally Zajfman : il n’y en a pas si ce n’est qu’il existe deux communautés principales : celle de Bruxelles et celle d’Anvers. Les deux communautés sont pas comparables car assez différentes. Anvers est très juive, proche d’Israël. Sa communauté très active compte environ 1/3 d’orthodoxes mais aussi des religieux du mouvement Agouda ou des hassidim (Beltz, Gour, Satner). Globalement, la communauté de Bruxelles est beaucoup moins orthodoxe et traditionnaliste. En fait, elle n’est pas religieuse (difficile de trouver un miniyan) mais plutôt laïque. Son identité juive est surtout culturelle plutôt que cultuelle. Sa communauté évaluée à 18.000 membres, est scindée en deux : le noyau communautaire et ceux qui le quittent. Elle connait donc un plus fort taux d’assimilation malgré les 3 écoles juives et mouvements de jeunesse (Hashomer Hatsair, Bné Akiva et Hanoar Hatsioni), la radio communautaire (Radio Judaica) et le centre communautaire. Par contre, la capitale ne possède pas de yéshiva. Cependant, les Juifs bruxellois sont plutôt sionistes dans le sens de soutien à Israël (tourisme, vacances, voyage de solidarité). Ils y viennent tout de même moins souvent que ceux d’Anvers.

Existe-t-il des différences entre Wallons et Flamands au sein de la communauté juive ?

S. Z. : non, la communauté reste neutre. Pourtant sur certains sujets comme la Shoah, il peut exister des divisions entre Juifs wallons et flamands.

La communauté se sent-elle concernée par les luttes politico-linguistiques ?

S. Z. : en général non, elle ne se sent pas concernée en tant que communauté. Au contraire, elle serait plutôt royaliste c’est-à-dire du côté du Roi comme garant de l’unité nationale. Le séparatisme s’avère davantage intra-communautaire bien que les communautés juives de Bruxelles et d’Anvers se coordonnent entre elles.

Quelle est la position de la communauté vis-à-vis de la division de la Belgique ?

S. Z. : elle ne se prononce pas politiquement de façon collective, ni à Bruxelles, ni à Anvers. La communauté penche plus pour l’unité.

La communauté souffre-t-elle de l’antisémitisme ?

S. Z. : comme dans le reste de l’Europe, l’antisémitisme varie selon l’actualité au Moyen-Orient et la géographie humaine. La Wallonie qui compte peu de Juifs, n’est pas trop touchée par le phénomène. Par contre, la communauté de Bruxelles en souffre fortement du fait de la grande concentration de musulmans dans la capitale. Mais pas seulement. Alors les Juifs se cachent. Ils ne peuvent pas porter de kippa ou parler hébreu dans la rue. Ils adoptent un profil bas. En Flandre par contre, l’antisémitisme provient moins des musulmans que des Belges eux-mêmes. Les Juifs d’Anvers se font tout de même moins agresser que ceux de Bruxelles. Les autorités belges font l’autruche et affichent pour leur électorat arabe, une docilité molle face aux actes antisémites. La presse ne les évoque pas trop non plus ou alors de manière contrebalancée.

Qu’en est-il de la alya ?

S. Z. : dernièrement elle a augmenté de 200%. Ce mois de décembre, on attend un groupe de 38 nouveaux immigrants belges. Du jamais vu.

Les nouveaux arrivants sont surtout des jeunes entre 18 et 20 ans, après le bac, des retraités économiquement indépendants ou des personnes de 50-55 ans encore en activité, dont beaucoup de diamantaires ayant gardé des négoces en Belgique, ou réinvestissant ici dans l’immobilier.

Globalement, l’alya belge s’intègre très bien. Elle compte des personnalités importantes comme l’ancien Général et politicien Yossi Peled.

Quel avenir pour les Juifs de Belgique ?

S. Z. : la communauté de Bruxelles tend à perdre son identité. Elle vieillit et s’accroche à quelques événements comme le Yom Haatsmaout ou le Yom Hashoah. On voit cependant un petit réveil du côté sépharade. Des Juifs de France viennent aussi s’installer à Bruxelles. Ils sont actifs et apportent du sang frais. Mais les jeunes partent. Ce qui indique qu’à moyen terme, cette communauté a peu d’avenir.

Quant à l’émigration des Juifs d’Anvers vers Israël, l’Australie ou les Etats-Unis pour raisons économiques, elle se confirme. Parallèlement, vu le taux de natalité élevé, les orthodoxes se renforcent. Mais la communauté non harédit fond.

Noémie Grynberg 2010