Frédéric Brenner : témoin du judaïsme diasporique multiple

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Photographe français et grand voyageur, Frédéric Brenner sillonne la planète depuis un quart de siècle, à la recherche d’images sur le peuple juif. Ses clichés, exposés aussi bien au Centre international de la photographie de New York, qu’aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles ou au Musée de l’Elysée de Lausanne, forment ainsi une sorte de première anthologie visuelle de la diaspora juive. Lauréat à 22 ans du Prix Niepce pour sa première exposition et du Prix de Rome en 1992, entre autres, Brenner a également réalisé le film ‘Les Derniers Marranes’ et publié une dizaine de livres dont : Jérusalem Instants d’éternité (1984), Israël (1988), Marranes (1992), Jews/America/ A representation (1996), Exile at home (1998) et Diaspora (2003).

Frédéric Brenner est né à Paris en 1959, dans une famille juive assimilée. Son histoire familiale est à l’origine de sa quête artistique. De mère originaire d’Espagne ayant trouvé refuge en Algérie et de père d’ascendance ukrainienne et roumaine, tous deux immigrés en France, Brenner porte déjà en lui ce judaïsme diasporique. Survivants de la Shoah, ses parents prennent de la distance par rapport à leur héritage hébraïque. Pour eux, la solution est l’assimilation à la société française. Le choc de la victoire israélienne de 1967 les rappelle à leur judaïsme et ils décident d’envoyer leur fils à l’école juive. A 18 ans, Frédéric Brenner part découvrir Israël mais se passionne surtout pour Jérusalem. Il est séduit par les contrastes de la ville. C’est là qu’il commence à photographier les Orthodoxes de Méa Shéarim, sans savoir qu’il en ferait son métier. Parallèlement, il étudie en France l’ethnologie puis la sociologie à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris.

Devenu photographe engagé, Frédéric Brenner est comme un archéologue cherchant les vestiges d’un monde perdu. Il s’interroge sur sa propre identité juive et questionne ses modèles. Qui est Juif ? Ses photographies sont comme un dialogue. Brenner suit les pérégrinations migratoires de ce peuple exilé et sonde son extraordinaire parcours. Il se veut le témoin de la diversité juive à travers le monde, que ce soit en Israël, au Maghreb, en Inde, en Ethiopie, au Yémen, en Russie, dans les ex-républiques soviétiques, en Europe, en Amérique ou en Asie. Tous les aspects de la vie juive l’intéressent, qu’ils soient religieux ou séculaires, orthodoxes ou réformés, sépharades ou ashkénazes, cachés ou assumés. Ses clichés racontent une histoire individuelle au sein d’un destin collectif.

Brenner examine dans ses images l’authenticité, les traditions ancestrales, la source du judaïsme persistant après 2000 ans d’exile. En cherchant à travers son travail à faire ressortir l’unicité et la continuité du peuple, il découvre la multiplicité et une sorte de discontinuité malgré sa longévité. Ainsi, le judaïsme reconstruit, à travers son objectif, sa propre identité complexe. Les 80.000 photos de sa collection juxtaposent un large spectre de cultures, coutumes, personnages.

Pour révéler les différents aspects du peuple juif, en véritable anthropologue, Brenner a aussi bien photographié les Juifs de la région autonome du Birobidjan, ceux du sud de la France, d’Afrique du Sud ou de Hong Kong, d’Argentine, d’Allemagne ou de Pologne, ainsi que les marranes du Portugal. Il cherche à mieux connaître et cerner les sujets. Le photographe met en scène, compose le cliché suivant la propre histoire de chaque individu. Il travaille son image pour en faire un décors pour les personnages qu’il immortalise. La plupart du temps, les protagonistes posent comme pour mieux présenter leur espace personnel. Brenner tente de les approcher au plus près de leur intimité. Il les dévoile tout en gardant une part de mystère car en dehors du cadre et de la pose, que savons-nous vraiment de ces personnages ? C’est leur mise ensemble qui donne ce panorama varié d’existences si différentes et pourtant unies dans la foi.

Dans sa collection en noir et blanc intitulée ‘’Diaspora’’, présentée en 2007 à Jérusalem, Brenner a réuni toute cette diversité juive. Le photographe fige un instant de ces vies simples. Il leur donne une signification, parfois avec humour, de l’authenticité ou de la sophistication. Cet éventail reconstitue une mémoire collective dans sa réalité commune. En voyant tous ces portraits si différents, on se pose finalement la question de leur point commun. C’est leur appartenance au peuple juif.


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2009