Daniel Schinasi : la peinture juive néofuturisme

Il Massacro Degli Innocenti1

Daniel Schinasi se définit comme un artiste moderne bien qu’il utilise une des plus anciennes techniques de peinture du monde : la tempera (diluant à l’eau et liant à la gomme, colle, jaune d’œuf, ou protéines de lait). Ainsi le peintre mêle passé et avenir, tradition et modernité en s’inspirant du cubisme, du futurisme, de l’impressionnisme, de l’abstrait et de la géométrie sans oublier la Renaissance italienne pour créer des œuvres considérées comme néofuturistes.

Daniel Schinasi, originaire d’Alexandrie en Egypte, vient d’une famille sépharade. En 1956, il quitte son pays natal suite à la Guerre de Suez et s’installe à Livourne en Italie avec sa famille. Aujourd’hui, il vit entre la France et l’Italie et expose dans le monde entier.

Dans sa peinture, l’artiste oppose un nouvel humanisme, une nouvelle conception des valeurs humaines. Il prend le parti de l’objectivité quasi-mathématique dans l’analyse formelle du sujet mais en rejetant un système moderniste militant qui exclut les valeurs morales et la sensibilité au profit du “machinisme“ triomphant de l’époque. La géométrie des peintures de Schinasi garde les canons de la Renaissance et de sa lumière qu’il travaille de manière figurative ou narrative.

L’artiste est également un grand dessinateur : pour lui, le dessin est d’un intérêt supérieur. C’est pourquoi le peintre se réclame de l’art plastique tout en pratiquent également le lyrisme.

Parmi ses thèmes, Daniel Schinasi développe ceux de la Bible depuis les origines et des événements de l’histoire juive avec une dimension métaphysique, mystique, spirituelle, symbolique. Il ramène le passé de l’exile, de l’Inquisition ou de la Shoah au présent, non seulement pour honorer les martyrs, les persécutés, les victimes des désastres et des violences sanguinaires, mais surtout pour rester vigilants et lutter afin que le passé ne se répète plus jamais. Les fêtes ont aussi une place importante dans son œuvre. Pour Schinasi, être juif ne signifie pas seulement retrouver la mémoire de l’enfance, les regrets liés à l’exode de sa lointaine Alexandrie et de l’exil vers l’Europe. Être juif signifie pour lui la réaffirmation consciente de sa propre religiosité, de son appartenance historique à un peuple qui lutte pour sa propre liberté et son propre avenir. Cela signifie aussi être homme parmi les hommes et porteur de civilité universelle.

En 1997, Daniel Schinasi réalise les projets pour la décoration du réservoir d’eau à Tel Mond en Israël. L’année suivante en plus de Paris, Nice et Bolgheri (Toscane), il expose au Centre Culturel Italien de Haïfa et participe au Salon des Artistes Juifs Contemporain à Paris.

Pourquoi et comment avez-vous choisi la peinture comme moyen d’expression ?

D. S. : Par coïncidence. Petit, je ne pensais pas à la peinture mais je dessinais déjà beaucoup. J’ai eu la révélation à l’âge de 20 ans lorsqu’un ami m’a demandé de peindre pour un client une copie de carte postale. Mais à l’époque, c’est un désastre. Mon ami me déclare : ‘’tu ne seras jamais peintre !’’

En quoi votre art est-il spécifique ?

D. S. : Au début, je me rapprochais du courant cubiste/futuriste mais j’ai ressenti un conflit entre le philosophique et le pictural. Je m’oppose à la société de consommation, à l’individualisme. Je suis pour les valeurs humaines, pour l’utopie d’une humanité limpide. Je le traduis par mon travail postimpressioniste au couteau, par ma peinture géométrique aux larges coups de pinceaux qui donnent dynamisme et lumière à l’image.

Quelle sont les composantes juives de votre peinture ?

D. S. : L’histoire du peuple juif (exodes, inquisition), les personnages bibliques (Jacob, Caïn et Abel) ou historiques (Herzl, Ben Gourion), les shtettles, les épisodes de la thora (Ligature d’Isaac), les fêtes et cérémonies comme la circoncision, les métiers typiques (cordonnier, boulangère), les symboles comme la Menora. Mais aussi les paysages d’Israël, le travail de la terre, les pionniers.

Qu’exprimez-vous à travers vos toiles ?

D. S. : Le judaïsme, l’histoire, le sionisme et la renaissance d’Israël. Mais aussi l’humain, sa vie, ses drames.

Quel est votre lien propre avec le judaïsme ?

D. S. : Je viens d’une famille plutôt traditionnaliste mais aujourd’hui grâce aux enfants, j’ai un lien plus intelligent et plus clair avec le judaïsme.

Quel lien entretenez-vous avec Israël ?

D. S. : Pour moi, Israël représente la terre de mes pères, la seule patrie des Juifs du monde entier, une terre millénaire.


Noémie Grynberg 2010