Les Maisons d’enfants en France pendant et après la Shoah

Mini 74688121ose Jpg

Les Maisons d’enfants des réseaux communautaires juifs furent pour beaucoup dans le sauvetage des enfants juifs pendant la guerre. A la Libération, ces maisons continuèrent d’accueillir les orphelins et d’en prendre soin, parfois jusqu’à leur majorité.

L’OSE (Œuvre de secours aux Enfants), l’OPEJ (Œuvre de Protection de l’Enfance juive), les EIF (Eclaireur Israélites de France), la Colonie Scolaire du Centre de la rue Amelot à Pariscréé en septembre 1940, la Commission Centrale de l’Enfance et le Cercle amical (de tendance bundiste) furent les principaux organismes juifs à s’être occupés de Maisons d’enfants pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale. Chaque organisation avait sa propre orientation idéologique : religieuse traditionaliste ou stricte, laïque, sioniste, communiste. Chacune avait un projet éducatif correspondant à sa tendance.

Quant à la CCE (Commission Centrale de l’Enfance), créée au lendemain de la guerre par des cadres des mouvements juifs communistes de résistance, elle disposait d’une dizaine de maisons d’enfants et déploya une série d’activités à destination de la jeunesse juive à partir de colonies de vacances et de patronages.

Les deux principales institutions

L’OPEJ (de tendance non religieuse mais traditionaliste) trouve son origine pendant les années 1942 – 1943. Dans la clandestinité, des groupes de résistants favorisèrent la création du S.E.R.E. (Service d’Evacuation et de Regroupement d’Enfants). Sa mission essentielle consista à sauver des enfants juifs dont les parents furent déportés ou portés disparus. Ces enfants menacés d’arrestation et de déportation, furent mis à l’abri dans des familles et institutions non juives.

Dès Septembre 1944, l’OPEJ succèda au S.E.R.E., et les enfants sont regroupés dans des Maisons d’Enfants de Déportés, créées à leur intention. Une des plus connue est le château de ‘’Cailly’’ en Normandie. En juin 1945, l’OPEJ se constitua en Association de type Loi 1901. Elle travailla en association avec le Joint et l’Agence Juive.

L’OSE est une organisation d’entraide humanitaire de la communauté juive créée en 1912 en Russie. En 1934 est créé un comité français et de la filiale O.S.E. – France est fondée. Entre 1938 et 1940, l’O.S.E. ouvre trois nouvelles maisons d’enfants : la « Villa Helvetia » à Montmorency ; « Les Tourelles » à Soisy-sous-Montmorency », et la « Villa La Chesnaie » à Eaubonne, home de stricte observance. Puis, c’est au tour des châteaux de Chabannes, Chaumont et du Masgelier (dans la Creuse) à être aménagés afin de recevoir les enfants des maisons de la région parisienne. L’OSE ouvre également de nouvelles maisons d’enfants en zone sud et à Paris.

En 1941, en zone Sud, l’OSE gère plus de vingt maisons d’enfants qui accueillent 1600 jeunes, dont la plupart libérés des camps (Gurs, Rivesaltes et Les Milles). Une dizaine de maisons d’enfants seront dissoutes en 1943.

Après la guerre, l’OSE poursuit son entreprise de protection des communautés juives. Les enfants cachés et sauvés par les organisations juives, confiés à des nourrices, abandonnés ou accrochés à des lambeaux de famille, sortent de leurs cachettes et attendent leurs parents. Très vite, les organisations juives qui avaient assumé leur sauvetage doivent se rendre à l’évidence : les parents ne rentreront pas. Environ 3000 d’entre eux sont alors élevés dans une cinquantaine de maisons qui reflètent la pluralité d’un judaïsme étonnamment vivant.

Pour gérer ces maisons d’enfants, l’argent vient du Joint américain et de la communauté juive de France.

A la Libération, en septembre 1944, les maisons d’enfants de l’OSE rouvrent leurs portes pour accueillir les enfants restés seuls, sans famille et les enfants revenus de déportation. Les deux grandes maisons, Montintin, ouverte en 1939 pour les enfants du Reich et Le Masgelier, qui avait accueilli déjà des orphelins pendant la guerre, sont prêtes dès novembre 1944.

Pour la plupart des enfants se trouvant en zone Sud, il faut parer au plus pressé et d’abord les regrouper sur place. Grâce à des listes tenues à jour, les enfants sortent des pensionnats religieux sans aucune difficulté.

Dans les institutions religieuses, les difficultés vont venir des enfants laissés individuellement par des parents qui ne reviennent pas. Pour l’OSE, seule une cinquantaine d’enfants étaient en véritable danger de conversion, ou complément éloignés du judaïsme.

Les œuvres anciennes rouvrent les maisons qu’elles occupaient pendant la guerre, reprenant les enfants qu’elles avaient elles-mêmes cachés et dont elles avaient les listes : réouverture des anciennes maisons de l’OSE, en particulier celles de la Creuse. Les préfets réquisitionnent les châteaux qui avaient été fermés sur leurs ordres lors de la dispersion des enfants en 1943. Pendant la période allant de la Libération au 1er juillet 1945, plus de mille enfants trouvent refuge dans seize maisons nouvellement installées. Les problèmes matériels sont quasi insurmontables : trouver des maisons habitables, trouver les matériaux et la main-d’œuvre pour les remettre en état, trouver des lits, couvertures, de la vaisselle, du linge et surtout des vêtements et des chaussures.

Concernant les effectifs des vingt-cinq maisons de l’OSE ouvertes au début de l’année 1945, elles ont comptabilisé plus de 4.500 enfants entre trois et dix-huit ans soit les 3.000 enfants répertoriés à la réouverture des maisons, en 1944, plus les 1.500 vivant encore dans des familles d’accueil non juives. A cette époque, beaucoup d’entre eux pouvaient encore espérer retrouver leurs parents ou des membres de leur famille. Finalement, les effectifs réels des maisons ont été plus modestes et ne correspondent pas à ces prévisions : 1.000 à l’OSE jusqu’en 1947. Il s’agit de 4.401 fiches dont celles de 1.950 enfants cachés et de 75 envoyés clandestinement en Palestine via l’Espagne. L’idée d’un fichier central des enfant abandonnés date de 1943.


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2004